
Les artistes américains d’ascendance caribéenne offrent une myriade de traditions aux amateurs d’art aux États-Unis.
« L’identité caribéenne américaine n’est pas monolithique », fait observer le président Biden dans une proclamation*, faisant référence aux quelque 8 millions d’Américains d’origine caribéenne* qui vivent aujourd’hui aux États-Unis. « Le brassage de cultures, de langues et de religions présentes aux États-Unis et dans les îles reflète la diversité d’esprit qui définit la vie américaine. »
Voici des images d’œuvres réalisées par cinq artistes américains d’origine caribéenne qui travaillent sur différents supports et abordent des questions allant du colonialisme au sein de la diaspora caribéenne d’origine africaine, en passant par le changement climatique.
Ana Mendieta (1948–1985)

Ana Mendieta est née à La Havane et est venue vivre aux États-Unis avec sa sœur lorsque Fidel Castro a pris le pouvoir en 1960. Elle a étudié la peinture à l’université de l’Iowa avant de se tourner vers la photographie, la sculpture et les « œuvres corporelles en terre », caractérisées par l’utilisation de boue et d’autres matériaux naturels pour créer des siluetas, des silhouettes de son corps. En marquant l’empreinte de son corps contre la surface de la terre, elle a relié la forme humaine au monde naturel. Ana Mendieta s’est imposée en tant qu’artiste de premier plan dont l’œuvre allie les préoccupations environnementales à la théorie féministe des années 1970. « Remettre en question notre culture, c’est remettre en question notre propre existence, notre réalité humaine », a-t-elle déclaré en 1980 à l’occasion d’une exposition à la galerie A.I.R. à New York*. « Cela débouche sur une recherche, une interrogation sur ce que nous sommes et sur la façon dont nous nous réaliserons. »
Didier William (né en 1983)
Le peintre américain d’origine haïtienne Didier William combine des techniques d’impression traditionnelles avec des dessins inspirés de collages pour créer des peintures multimédias complexes. « Les couches qui font inévitablement partie de l’histoire d’une famille lorsqu’elle doit déménager, je les ai trouvées au niveau matériel dans l’impression », a-t-il déclaré à ShareAmerica.
« D’un point de vue technique et formel, lorsque l’on regarde une estampe, on voit une série de couches empilées que le spectateur peut lire comme une image globale. Je ressens tout à fait l’analogie dans ce système de superposition avec le type d’histoires que j’essaie de raconter. »

Professeur d’art à l’université Rutgers, Didier William est titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’université Yale et d’une licence du Maryland Institute College of Art. Ses peintures expriment ce que l’on ressent lorsqu’on est immigré aux États-Unis, comme lui et sa famille l’ont été en 1989, à travers le prisme de l’histoire, de la mythologie, du vaudou et d’autres religions, ainsi que de la mémoire de l’enfance.
« La langue joue un rôle très important dans l’œuvre, parce que lorsque vous ne parlez pas la langue, vous devez effectuer un travail de traduction constant », explique-t-il à propos de ses peintures.
Felix Gonzalez-Torres (1957–1996)
Felix Gonzalez-Torres est né à Guaimaro, à Cuba, et a vécu à Porto Rico avec son oncle dès son adolescence. Il a obtenu sa licence au Pratt Institute de New York et sa maîtrise en beaux-arts à l’International Center of Photography. Gonzalez-Torres, qui a reçu des bourses de la National Endowment for the Arts, faisait partie du collectif d’artistes Group Material, qui voyait dans l’art un moyen de parvenir à la justice sociale.

Il a utilisé des images minimalistes et des objets pour aborder la crise du sida au sein de la communauté gay. Ses œuvres, telles que Untitled (Portrait of Ross in L.A.) et Untitled (Water), ont été inspirées par la maladie de son partenaire, Ross Laycock, qu’il a vu « disparaître comme une fleur séchée » à cause du sida. « Plus je le voyais s’étioler, plus je l’aimais », a déclaré Felix Gonzalez-Torres lors d’une interview en 1995*. « À chaque nouvelle lésion, je l’aimais davantage. »
Exposées dans les musées d’art du monde entier, les œuvres de Felix Gonzalez-Torres, mort du sida en 1996, rappellent aux visiteurs l’histoire dévastatrice de l’épidémie.
Firelei Báez (née en 1981)

Née en République dominicaine d’une mère dominicaine et d’un père haïtien, Firelei Báez a suivi une formation artistique à New York, où elle vit encore aujourd’hui. Elle réalise des peintures et des installations de grande taille, qui mêlent les thèmes de la diaspora africaine aux Caraïbes et le folklore dominicain.
L’un des thèmes récurrents chez Firelei Báez est son interprétation du corps de la femme, et plus particulièrement de la ciguapa, une créature mythologique du folklore dominicain à la silhouette de femme, capable de se transformer en animal et d’ensorceler les hommes. « Je demande aux spectateurs qui étudient mes peintures de la ciguapa d’essayer de comprendre leurs propres sentiments à l’égard du corps de la femme », explique-t-elle dans une vidéo de 2019 pour Art21*. « La ciguapa est un personnage rusé. C’est une séductrice. » L’artiste dépeint d’autres types de femmes caribéennes, comme avec l’œuvre ci-dessus, qui recontextualise la révolution haïtienne de 1791.
Nari Ward (né en 1963)

Nari Ward est né à Kingston, en Jamaïque, et s’est installé avec sa famille aux États-Unis lorsqu’il avait 12 ans. Il vit aujourd’hui à New York, où il dirige le département d’art plastique du Hunter College.
Au travers de ses imposantes œuvres multimédias formées de matériaux recyclés, tels que des lacets de chaussures, des poussettes ou des caisses enregistreuses, l’artiste Nari Ward explore la vie des immigrés et la discrimination raciale. « Cette idée que l’on puisse revendiquer sa propre histoire est vraiment importante », a-t-il souligné en 2017 après avoir remporté le prix Vilcek des beaux-arts*. « Nous venons tous de quelque part, et il est parfois nécessaire de se perdre pour comprendre les choses par soi-même. Et j’ai l’impression que c’est là où l’art a son rôle à jouer. »
*en anglais