Quelle est la pierre angulaire de la démocratie ? Le vote. Mais pour bien voter, il faut d’abord être bien informé.
« Toute démocratie, naissante ou établie, ne peut exister si les citoyens ne sont pas bien informés », explique Daniel Glick. Et c’est le rôle des journalistes de tenir les citoyens au courant pour qu’ils puissent faire des choix éclairés lors des élections, renchérit Eduardo Cue.
Les deux journalistes américains partageaient récemment des conseils sur leur métier lors d’une discussion en ligne avec des confrères basés dans des pays d’Afrique francophones. Au menu de la conversation : comment offrir une couverture médiatique de qualité en période électorale ?
Une tâche particulièrement ardue en Afrique, où les journalistes sont soumis à d’énormes pressions, « surtout de la part d’une classe politique qui s’accroche au pouvoir », font remarquer les deux intervenants. « C’est aux journalistes de forcer cette classe politique à entrer dans le 21e siècle et dans le siècle des élections libres et transparentes », estime Eduardo Cue.
Question transparence, certains pays ont récemment organisé des élections encourageantes : au Nigéria, au Bénin* et en Centrafrique*, les scrutins ont reflété la volonté du peuple… mais ce n’est pas toujours le cas.
Autre obstacle : l’image du métier. « Le journalisme est une profession qui est souvent mal perçue, voire méprisée par les gens au pouvoir », regrette Eduardo Cue.
« Vous êtes des témoins, des chercheurs de vérité et vos outils sont l’indépendance, l’équilibre, la fiabilité, c’est-à-dire un travail libre de toute influence extérieure. »
Alors comment redorer le blason de la profession ? En faisant des reportages fiables, exacts et vérifiables autant que possible, rétorque Daniel Glick. « Il est très important de se souvenir qu’un journaliste n’est ni un juge ni un partisan. Laissez vos opinions chez vous », ajoute-t-il.
Voici des réflexes qu’un bon journaliste doit avoir, selon eux, lors des élections :
1 – Faire une « radiographie du pays ». Il faut sortir de la capitale, des ministères, des sièges des partis politiques pour aller à la rencontre des gens, recommande Daniel Glick. Demandez-leur ce qui les inquiète, quels sont leurs problèmes au niveau de la santé, de l’éducation. Est-ce que les candidats sortant ont tenu leurs promesses ?

2 – Interroger les candidats sans crainte. « N’oublions pas que les gens qui sont élus sont des serviteurs du peuple qui les élit. Il faut avoir du respect pour eux, pour la fonction, mais ne pas les traiter comme des sages ou comme des demi-dieux », insiste Eduardo Cue. « Le bon journaliste politique ne se contente pas d’indiquer le point de vue des candidats. Il les invite à préciser ce qu’ils ont accompli au poste qu’ils ont occupé auparavant », ajoute Daniel Glick.
3 – Utiliser la boîte à outils du journaliste pour chercher l’info. Il faut lire les documents, les dossiers, interroger les sources humaines et tenir compte de ses propres observations personnelles.
4 – Ne jamais supposer que l’information donnée est véridique. « Il faut toujours vérifier l’info en la recoupant avec d’autres sources », répète Daniel Glick, et surtout, varier ses sources.
5 – Toute information inclue dans un reportage doit être vérifiée et totalement exacte. Et face aux rumeurs, notamment en période post-électorale, « il faut calmer le jeu », suggère Eduardo Cue. « Allez vers les faits et les explications les plus concrètes possible. »
6 – Se poser les bonnes questions. Qui sont les candidats ? D’où vient leur soutien ? Est-ce que leurs promesses sont réalistes ? Qui va payer pour ça ? Il faut commencer à enquêter plusieurs mois avant l’échéance électorale.
7 – Prendre des mesures de sécurité. Il faut connaître le terrain à l’avance, se munir d’une carte de presse, même si elle n’est pas un bouclier, ne pas travailler seul dans les lieux dangereux, tenir ses chefs au courant de ses déplacements.
8 – Ne pas accepter d’argent ou de cadeaux. « Gardez votre indépendance à tout prix. Vous n’avez que ça : la crédibilité, la fiabilité et l’indépendance », rappelle Daniel Glick. Et si jamais vous laissez un candidat prendre en charge vos frais de transport, faites tout de même votre travail avec intégrité.
Préserver son indépendance reste un défi dans des pays où, bien souvent, les organes de presse appartiennent à l’État ou même à des politiciens. Les sites web, de plus en plus populaires, échappent à cette tendance : la liberté d’expression y est plus grande, mais attention à l’authenticité des faits. Car rappelons-le, sans journalisme fiable, la démocratie ne peut exister.
*en anglais