Une personne met des comprimés dans la main d’une autre à l’aide d’une cuillère (Photo offerte par Sightsavers)
L’ivermectine est un médicament antiparasitaire. (Photo offerte par Sightsavers)

Tous les ans, Albert Tamanja Bidim fait le tour de son village au Ghana. Il emporte avec lui une tige graduée qui lui sert de toise, une liste des habitants et de l’ivermectine, un médicament antiparasitaire qu’il est chargé de leur distribuer. Le nombre de comprimés à administrer dépend de la taille de la personne qui les prend, d’où l’intérêt de son instrument de mesure. Il donne entre un et quatre comprimés aux adultes et aux enfants de grande taille. Il met aussi de côté des doses pour les habitants qui ne sont pas chez eux au moment de sa visite.

Albert Tamanja Bidim expliquait récemment* à quel point il est difficile de suivre tous les habitants du village. Mais c’est une tâche gratifiante, ajoute-t-il : au cours des deux dernières années, aucun de ses voisins n’a perdu la vue des suites de l’onchocercose, ou cécité des rivières. Cette maladie parasitaire est transmise par la piqûre d’une mouche de l’espèce simulie, qui se reproduit dans les cours d’eau au débit rapide. La salive de l’insecte fait passer dans le sang de l’hôte des centaines de milliers de larves de vers. Celles-ci vont ensuite s’incruster sous la peau, où elles deviennent des vers matures, causant de très douloureuses démangeaisons qui durent toute la vie du patient. Dans certains cas, les parasites attaquent les yeux, entraînant éventuellement la perte de la vue.

Plus de 120 millions de personnes risquent d’être touchées par la cécité des rivières parce qu’elles vivent dans des zones infestées par la mouche simulie. C’est en Afrique, souvent dans les régions reculées, qu’on trouve 99 % des cas d’onchocercose. Pour l’Organisation mondiale de la santé, la cécité des rivières est une des « maladies tropicales négligées ».

Pendant des dizaines d’années, les scientifiques étaient convaincus que l’onchocercose était trop difficile à éradiquer. Mais c’est exactement à cette tâche que sont attelés plusieurs pays africains, le Ghana à leur tête.

« Ça marche vraiment ! »

« Cela demande beaucoup de travail et beaucoup de ressources », explique le docteur Nana-Kwadwo Biritwum, du ministère ghanéen de la santé.

Jimmy Carter en compagnie d’un médecin dispensant des soins à une petite fille (Crédit photo : The Carter Center)
La fondation de l’ancien président Jimmy Carter, The Carter Center, contribue aux efforts d’éradication de la cécité des rivières et d’autres « maladies tropicales négligées ». (Crédit photo : The Carter Center)

De nombreux ministères de la santé font aujourd’hui appel à des milliers de volontaires, comme Albert Tamanja Bidim, pour faire parvenir des doses d’ivermectine à toutes les personnes à risque. L’ivermectine est dérivée d’une molécule développée par deux lauréats du prix Nobel de médecine 2015*, William C. Campbell et Satoshi Omura. Le médicament tue les larves parasitaires, et un traitement annuel sur 10 à 15 ans permet de se débarrasser entièrement de la maladie. La société pharmaceutique Merck fait don des comprimés d’ivermectine, et plusieurs organisations internationales, dont la Banque mondiale et le centre Carter, financent la distribution du médicament.

« Des millions d’histoires différentes, avec des millions de gens dans des rôles d’appui … et cependant, malgré toutes les difficultés, ça marche vraiment », se réjouit le docteur William Foege, chercheur principal au centre Carter.

Aujourd’hui, dans des villages où 80 % des habitants auraient contracté l’onchocercose en 1990, les taux d’infection sont de 2 % ou 3 %. Pour sa part, le Ghana entend éradiquer cette maladie d’ici 2020.

« Je ne serai prêt à crier victoire que lorsque la tâche sera accomplie », a dit l’ancien président Jimmy Carter en 2013. « Ce qu’il faut maintenant, c’est multiplier les efforts. »

 

*en anglais