Ces “ombres” sur les trottoirs sont peut-être des enfants toxicomanes

Souvent, les millions d’enfants qui vivent dans les rues ou dans les bidonvilles sont considérés comme des délinquants et comme une menace, alors même que des travailleurs sociaux et des organisations bénévoles se battent pour les aider à s’en sortir.

Pour les spécialistes, la tâche est d’autant plus difficile, car les drogues et l’alcool font souvent partie du quotidien de ces enfants. À cela vient s’ajouter le fait que même les spécialistes de toxicomanie ne savent pas toujours comment s’y prendre quand ils ont affaire à de jeunes enfants.

Désormais, plusieurs pays d’Asie du Sud et d’Amérique du Sud reçoivent le soutien d’un programme qui assure la formation de centaines de professionnels sur la manière de traiter les enfants souffrant d’addictions.

Le Bureau international des stupéfiants et de l’application de la loi du département d’État des États-Unis a collaboré avec les Nations unies et des enseignants-chercheurs, puis avec le plan Colombo, une organisation pour le développement des pays d’Asie et du Pacifique, afin d’établir le programme d’enseignement.

Des travailleurs sociaux, des psychologues, des éducateurs spécialisés et d’autres personnes d’Afghanistan, du Pakistan, d’Inde, du Bangladesh, du Brésil, du Pérou, du Chili et du Paraguay ont suivi la formation, qui sera bientôt proposée en Argentine.

Avec les enfants, il faut utiliser des méthodes différentes

Photo de trois personnes assises dans des chaises en plastique, dont on ne voit que le bas du corps, au-dessous des épaules (© AP Images)
De jeunes toxicomanes assistent à un cours, en février 2012, à la fondation Dost, à Peshawar, au Pakistan. (© AP Images)

« Nous enseignons aux professionnels comment s’adresser aux enfants », explique Hendrée Jones, professeure à l’Université de Caroline du Nord. « Tant de pays considèrent les problèmes d’addiction chez les enfants comme un problème moral ou de justice pénale. C’est un problème médical qui nécessite un traitement médical. »

Le département d’État a invité à Washington des spécialistes de toxicomanie des deux régions pour leur permettre de partager leur expérience et de dépeindre la détresse des enfants des rues et des enfants exposés aux drogues par leurs parents toxicomanes.

Shaista Naz gère un centre de traitement de la fondation Dost à Peshawar, au Pakistan, dont 135 lits sont réservés aux enfants. « Travailler avec des enfants nécessite des compétences et une expertise spécifiques. On ne traite pas les enfants de la même manière que les adultes », souligne-t-elle.

Les enfants commencent par sniffer de la colle et des solvants, puis fument de la marijuana et passent aux drogues dures – l’opium en Asie, la cocaïne en Amérique du Sud, déclare Hendrée Jones.

Pas assez d’éducateurs

« Personne ne veut travailler avec des enfants », se désole la pédiatre Maria Carmen Sanchez de Molina du Centre pour le contrôle des addictions du Paraguay, dans la province d’Asunción. Même si les adolescents sont les plus touchés, « ils commencent par la marijuana à 5 ans, ensuite ils passent au crack ».

Au cours de sa formation en 2013, elle a appris à comprendre comment ils pensent, comment ils se concentrent. L’une de ses méthodes est d’apprendre aux enfants à faire de la méditation.

« Les enfants qui grandissent dans la rue n’ont pas de limites. Ils explosent quand ils sont en colère. Nous leur apprenons à contrôler leurs émotions », dit Hendrée Jones. Les éducateurs les font aussi participer à des jeux ; ça « leur donne l’occasion de vivre comme des enfants normaux ».

Marilu Posada, présidente de l’Instituto Mundo Libre à Lima, au Pérou, a déclaré : « Ces enfants sont parfois comme des ombres sur les trottoirs. Tout le monde les voit, mais personne ne s’y intéresse. »