Comment le Mois de l’histoire des Noirs a vu le jour

Photo en noir et blanc de Frédéric Douglass assis, et de son petit-fils Joseph Douglass appuyé sur une table à côté de lui et tenant un violon (Smithsonian National Museum of African American History and Culture/Don de Charlene Hodges Byrd)
Frederick Douglass, à droite, et son petit-fils Joseph Douglass (Smithsonian National Museum of African American History and Culture/Don de Charlene Hodges Byrd)

Les populations noires n’avaient pas besoin d’une semaine ni d’un mois dédiés à leur histoire pour s’en souvenir ou pour la chérir, rassure Mattew Delmont, de l’université Dartmouth.

« Elles l’ont préservée dans leurs journaux intimes et leurs livrets familiaux, dans la presse noire et au travers des récits », explique l’historien, qui intervient dans les écoles et dans les entreprises tous les ans, en février, lorsque les États-Unis observent le Mois de l’histoire africaine-américaine.

L’origine de la célébration annuelle

L’hommage aux contributions des Africains Américains a vu le jour en 1926, avec la création de la Negro History Week (la Semaine de l’histoire des « Nègres », un terme qui a été remplacé plus tard par « Noirs » ou « Africains Américains »).

La semaine avait été programmée en février de manière à coïncider avec l’anniversaire du président Abraham Lincoln, signataire de la Proclamation d’émancipation, et avec celui de Frederick Douglass, qui a lutté contre l’esclavage et est devenu un réformateur social après avoir, lui-même, fui sa condition d’esclave. Cette semaine-hommage est l’œuvre de l’historien Carter G. Woodson, qui envisageait voir un jour les réalisations des Noirs célébrées toute l’année.

Portrait en noir et blanc de Carter G. Woodson (© AP Images)
Carter G. Woodson, l’historien qui a eu l’idée de célébrer l’histoire des Africains Américains (© AP Images)

À l’époque, la semaine a donné lieu à l’élaboration de matériel pédagogique destiné aux écoles où des élèves noirs étaient inscrits. Mais dans les écoles mixtes où la ségrégation était appliquée, ces informations sur d’éminentes personnalités noires notables étaient peu utilisées.

« C’était une remise en cause directe des programmes traditionnels de l’époque qui rabaissaient et déshumanisaient souvent les Noirs », explique Michael Hines, professeur adjoint à la Graduate School of Education de l’université Stanford, dans un cours vidéo sur l’Histoire de la célébration où il présente les efforts en faveur de l’égalité sociale et politique. « Plus qu’une simple occasion de parler de quelques réalisations remarquables, la Negro History Week était un appel à l’action », ajoute-t-il.

Trois hommes blancs entourant la petite Ruby Bridges descendant un escalier (© AP Images)
En 1960, des agents de la police fédérale accompagnent Ruby Bridges, une petite de 6 ans et la seule Noire inscrite à l’école primaire William Frantz de la Nouvelle-Orléans, où des parents d’élèves blancs s’opposaient à l’intégration ordonnée par le tribunal. (© AP Images)

Cinquante ans plus tard, lors des célébrations du bicentenaire des États-Unis, le président Gerald Ford a remplacé la semaine par une commémoration nationale d’un mois, le Mois de l’Histoire noire. Il est temps de « saisir l’occasion de rendre hommage aux accomplissements trop souvent négligés des Noirs Américains dans tous les domaines et tout au long de notre histoire », avait souligné M. Ford à l’époque.

Les commémorations de nos jours

Aujourd’hui, les commémorations sont marquées par des discours et des spectacles. Et dans les écoles, on met l’accent sur les Africains Américains notables, dont Martin Luther King et Rosa Parks qui figurent parmi les personnalités les mieux connues de l’histoire des États-Unis.

Une grande partie des manuels d’histoire mettent déjà en relief les Américains blancs, et le Mois de l’histoire noire est un ajout important qui permettra de voir le passé du pays sous un angle différent. « On ne peut pas comprendre l’histoire américaine sans comprendre l’histoire noire américaine », affirme M. Delmont.

Une petite fille noire portant un T-shirt imprimé du slogan Black Lives Matter, à côté de fleurs et d’un ruban policier (© Jacquelyn Martin/AP Images)
Mahkhyieah Lee, 5 ans, danse sur la place Black Lives Matter, près de la Maison Blanche, en avril 2021. (© Jacquelyn Martin/AP Images)

Le mouvement Black Lives Matter et les manifestations de 2020 contre la brutalité policière ont permis aux Américains de toute race et de tout milieu d’être plus conscients du vécu des Noirs Américains, a noté M. Delmont.

Les Américains comprennent maintenant que leur histoire est plus riche et plus complexe, mais moins uniformément équitable et honorable, qu’ils ne le pensaient. Maintenant, de nouveaux universitaires prêtent davantage attention aux contributions et aux expériences d’Américains autrefois marginalisés.

En sa qualité d’historien, M. Delmont pense qu’il est utile de discuter des aspects positifs et négatifs du passé de la nation, y compris le droit de vote, l’esclavage et la discrimination. Parler de l’histoire commune peut combler le fossé entre les gens et les rapprocher les uns des autres, espère-t-il.