Une génération d’innovateurs aveugles aux États-Unis a fait ses premiers pas vers la réussite dans un lieu insolite.
Pour l’université de Californie à Berkeley, la pièce située au sous-sol de la bibliothèque Moffitt était un espace de travail réservé aux étudiants aveugles. Mais ceux qui l’utilisaient l’appelaient « The Cave* ».
Un surnom bien mérité, vu l’exiguïté du lieu, la vétusté des meubles, l’empilement des livres et l’odeur de café qui flottait.

« C’était le point de chute des chauves-souris** », plaisante Joshua Miele, l’un des nombreux étudiants qui ont fréquenté « la cave » vers la fin des années 1980, lors d’un entretien au site d’information STAT, produit par Boston Globe Media.
C’est en tout cas là que son parcours d’innovation a commencé. « La cave » a procuré un sentiment d’appartenance et de valeur à Joshua, qui faisait des études de physique, et à d’autres, aveugles comme lui, avant l’adoption de la loi de 1990 relative aux Américains handicapés (Americans with Disabilities Act), portant interdiction de la discrimination dans les installations publiques.
La technologie a stimulé la créativité
Les étudiants avaient les clés du centre pour pouvoir s’y rendre à toute heure et explorer de nouvelles idées. L’attrait principal : une vaste gamme de technologies spéciales difficiles à trouver ailleurs à l’époque.
Les étudiants aveugles pouvaient taper des termes de recherche sur un terminal informatique parlant qui leur lisait ensuite des livres, des articles et d’autres documents provenant des catalogues et des bases de données de la bibliothèque. Tout cela se passait des années avant l’accès facile à Internet.
Joshua et un autre habitué de « la cave », Marc Sutton, ont ensuite travaillé ensemble sur le lecteur d’écran outSPOKEN de Berkeley Systems.
Aujourd’hui, Joshua développe des dispositifs à l’usage des aveugles et des malvoyants, tels que des plans de ville tactiles. L’année dernière, il a obtenu une bourse de la fondation MacArthur, souvent appelée « bourse du génie », pour son travail de concepteur de technologies.
Marc travaille pour Apple, Inc., où il décèle les bogues logiciels et conçoit des solutions permettant aux aveugles d’utiliser les smartphones et les ordinateurs.

Joshua et Marc font partie des innovateurs et des artisans du changement* qui ont étudié dans « la cave ». En voici d’autres :
- Bryan Bashin, directeur général de l’organisation LightHouse for the Blind and Visually Impaired de San Francisco et membre de la commission américaine AbilityOne, laquelle encourage les sous-traitants fédéraux à embaucher des personnes aveugles ou atteintes d’autres handicaps.
- Lori Gray, responsable de programmes au Bay Area Outreach and Recreation Program de Berkeley, qui propose des activités de loisirs aux personnes en situation de handicap.
- Thomas Foley, directeur général du National Disability Institute à Washington, lequel promeut l’emploi intégré compétitif et aide les personnes handicapées à parvenir à la sécurité financière.
- Fatemeh Haghighi, professeure de neurosciences à la faculté Icahn School of Medicine at Mount Sinai à New York.
Joshua est reconnaissant de ses années formatrices à UC Berkeley. « J’ai commencé à comprendre que je faisais partie d’une communauté super cool* de personnes ayant une histoire, un contexte culturel et une multiplicité d’identités. Je me considère profondément lié à la riche communauté des personnes handicapées de Berkeley », confie-t-il.
*en anglais
**Note de traduction : référence à l’expression idiomatique « blind as a bat » (aveugle comme une chauve-souris)