Vous avez déjà entendu parler du poulet du général Tao ? Les Américains en raffolent. Ils croient consommer une spécialité chinoise, mais il n’en est rien. La preuve, c’est que les habitants de la province du Hunan préparent des recettes plus ou moins équivalentes, mais que celle-là ne leur dit rien du tout.
Ça s’explique : les immigrants qui arrivent aux États-Unis adaptent souvent leurs traditions culinaires dans leur pays d’accueil. Alors, les mets qu’ils créent ont forcément un petit goût de l’Amérique.
Et c’est normal. Quand on ne trouve pas tous les ingrédients dont on a besoin, on cherche des produits de remplacement. Et quand on découvre de nouvelles saveurs, on les adopte et on improvise. Les créations culinaires des immigrants ouvrent souvent de nouveaux horizons aux Américains. Il arrive aussi que les chefs venus d’ailleurs modifient délibérément leurs mets préférés pour satisfaire les papilles gustatives de leurs nouveaux compatriotes.
Spaghettis et boulettes de viande
Les spaghettis, la sauce tomate et les boulettes de viande, ou polpettes, n’avaient rien d’original pour les immigrants italiens aux États-Unis. La nouveauté*, ça a été d’en faire un plat. La sauce marinara est plus courante dans les plats « italiens » en Amérique qu’elle ne l’est en Italie, tout simplement parce que les tomates en conserve se trouvent partout sur le nouveau continent. Et les boulettes de viande sont plus grosses parce que la viande coûte moins cher.
Le poulet du général Tao
Le vrai général Tao, ou Tso, ou Zuǒ Zōngtáng, vivait en Chine au XIXe siècle. Il était mort depuis belle lurette quand, dans les années 1970*, un chef cuistot formé dans la province du Hunan et basé à New York a eu l’idée de préparer une recette à laquelle il a donné le nom du fameux général. À l’époque, déjà, la cuisine chinoise avait la cote auprès des Américains, mais ils trouvaient souvent les plats traditionnels du Hunan trop épicés. La solution du chef : ajouter du sucre au poulet frit selon la recette traditionnelle pour compenser les épices. La recette du poulet du général Tao est aujourd’hui un classique dans les restaurants chinois aux États-Unis. Mais elle est pour ainsi dire inconnue au bataillon dans la province du Hunan.

Les chimichangas
Deux chefs cuisiniers de l’Arizona revendiquent la paternité de ce burrito cuit dans un bain de friture. Leur version est la même : ils auraient fait tomber un burrito par mégarde* dans une friteuse. Le chimichanga se prête à de nombreuses recettes : il peut être servi comme plat principal, sous la forme d’un rouleau garni de viande, de haricots secs et de fromage, ou comme dessert, fourré cette fois au chocolat et à la crème fouettée.
La vichyssoise
L’invention de cette soupe faite de purée de pomme de terre et de poireaux est souvent attribuée à un certain Louis Diat, chef au Ritz-Carlton de New York. Cet immigrant français était originaire des environs de la ville de Vichy, d’où le nom qu’il a donné au potage dont il avait gardé des souvenirs d’enfance. Quand il était petit, il aimait mettre du lait dans sa soupe pour la refroidir. Alors, au Ritz-Carlon, en 1917, il a innové : servie froide et garnie de ciboulette, sa vichyssoise faite de pommes de terre cuites dans un bouillon de poulet et liée à la crème épaisse a connu un succès immédiat. Il a ajouté les poireaux près de 50 ans plus tard.
La diversité qui caractérise les États-Unis s’applique de plus en plus aussi aux menus. La cuisine de fusion, qui associe des ingrédients de divers pays pour produire de nouvelles recettes, fait des adeptes. Et ça marche dans les deux sens. Parce qu’en dehors des États-Unis, les fast foods américains proposent des plats dont les Américains n’ont jamais entendu parler*. Pizza Hut sert de la pizza aux fruits de mer et à la mayonnaise au Japon, et McDonald’s des Maharajas Macs au poulet en Inde.
*en anglais