Voici une statistique terrifiante : parmi les femmes et les filles, au moins une sur trois subira des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie.

Selon un rapport des Nations unies, moins de 40 % de ces victimes osent demander de l’aide. En général, celles qui le font s’adressent à leurs amis ou à leur famille. Il est plutôt rare – seulement dans un cas sur dix – que les victimes s’adressent directement à ceux qui sont mieux à même de les aider à mettre un terme aux violences subies et à trouver les ressources dont elles ont besoin pour se reconstruire : la police.

Tout au long des 28 ans de sa carrière de policière à Las Vegas, Cindy Rodriguez en était bien consciente. En fait, elle était très bien placée pour le savoir.

Pendant toute son enfance, Cindy a été témoin des violences de son père à l’égard de sa mère. « J’ai vu comment la violence peut être perpétrée au sein du foyer familial depuis mon plus jeune âge », raconte-t-elle. Pour empêcher sa mère de partir, son père a menacé d’attenter à la vie d’un de ses proches. Sa mère a fini par quitter le foyer conjugal, mais elle a traversé des années de difficultés financières, aidée seulement par sa fille, qui était heureusement assez âgée pour s’occuper de ses frères plus jeunes.

Photo d’une personne assise par terre, le visage caché dans les bras, et vue à travers les pieds fermement plantés d’une autre personne (© Thomas Imo/Alamy)
(© Thomas Imo/Alamy)

Dans son travail pour les forces de l’ordre, ce vécu lui a été « d’une grande importance », dit-elle. Comprendre pourquoi les victimes restent avec leurs bourreaux l’aidait à répondre aux appels de détresse dans les cas de violences familiales. Elle se sentait mieux placée aussi pour donner des instructions aux agents des forces de l’ordre de pays étrangers dans le cadre du programme de l’ILEA* (des centres de formation administrés par le département d’État des États-Unis).

En novembre 2015, à Budapest, Cindy Rodriguez a enseigné à des collègues du Kosovo, d’Ukraine et de Hongrie la manière dont les forces de l’ordre peuvent intervenir efficacement dans les cas de violence familiale, en dépit de ressources limitées et de la difficulté à convaincre les victimes d’en parler.

Pourquoi les victimes ne se présentent-elles pas à la police ?

Cindy Rodriguez nous décrit le scénario typique : l’agresseur, souvent un homme, se fait attraper ou bien promet d’arrêter les violences pour une autre raison. Après une brève période de répit, les violences recommencent, souvent sans aucun signe précurseur. Elles sont déclenchées par des choses insignifiantes, comme une simple remarque ou un dîner trop cuit. Mais bien souvent, les victimes restent.

« Il la charme. Elle l’aime malgré tout. Les finances ne sont peut-être pas au beau fixe. Elle ne travaille peut-être pas. Ou bien ils ont des enfants, explique Cindy. Mettre un terme à la relation entraîne déjà des conséquences difficiles, alors si vous ajoutez le problème de la violence conjugale, ça complique encore plus les choses. »

La police utilise une stratégie qui fonctionne plutôt bien : ce sont toujours les mêmes agents qui patrouillent les mêmes zones – que ce soit en milieu rural où tout le monde se connaît ou dans un quartier donné en ville – et ils ont des contacts réguliers avec les habitants. Lorsqu’un voisin ou une personne de la famille appelle, l’agent sait tout de suite si le signalement vient d’un quartier où la police s’est déjà rendue. Ainsi, l’agent est plus à même de remarquer les comportements abusifs et de proposer l’assistance appropriée.

Cindy Rodriguez a également montré à ses homologues étrangers comment elle et ses collègues du département de police métropolitaine de Las Vegas utilisent les réseaux sociaux pour diffuser des messages d’intérêt public, notamment des messages pour informer les victimes sur la manière de se faire aider.

C’est avec une bonne réputation qu’on parvient à briser le « plafond de verre »

De nombreux élèves de Cindy notent qu’il est rare de voir une femme agent de police à un poste de leadership aussi important et respectée comme elle l’est par ses collègues masculins. Le peu de femmes qui travaillaient dans les forces de l’ordre* venaient d’être embauchées et commençaient tout juste à avoir un peu d’expérience.

« Vous avez l’air très compétente et il est évident que [vos collègues] ont du respect pour vous. Comment avez-vous fait pour en arriver là ? », lui a demandé l’une d’elles.

Des femmes agents de police assises en rang (Département d’État des États-Unis)
Des groupes comme l’ONG internationale IWAP (International Association of Women Police) s’efforcent d’accroître la présence des femmes dans les rangs des forces de l’ordre et du personnel de soutien. Parmi leurs moyens d’action : mentorat, formation, réseautage et marques de reconnaissance. (Département d’État des États-Unis)

« Ça n’arrive pas du jour au lendemain », répond Cindy Rodriguez. Pour lutter contre les stéréotypes et les discriminations, Cindy a appris « qu’il faut se comporter très professionnellement [parce que] votre réputation vous précède toujours, bonne ou mauvaise ».

Elle se confie encore sur son expérience à Budapest : « J’ai réalisé que mon message et les enseignements que j’ai tirés sont universels et s’appliquent tant aux hommes qu’aux femmes, de toutes les cultures, de toutes les origines ethniques et de tous les pays. »

Une version antérieure de cet article a été publiée le 6 janvier 2016.

 

*en anglais