Sa réputation a fait le tour du monde. L’enseignante américaine Erin Gruwell s’est fait connaître dans les années 1990 en accomplissant un exploit : aider 150 lycéens issus de milieux défavorisés, et jugés « indécrottables », à décrocher un diplôme.

Nous sommes à Long Beach, en Californie. Erin Gruwell, alors dans sa vingtaine, expérimente des méthodes inédites. Ses élèves sont à majorité des Hispaniques et des Afro-américains, confrontés à un quotidien chargé de conflits. Elle les encourage à tenir un journal et à y vider leur sac. L’exercice permet notamment aux élèves de la classe de prendre conscience de leurs points communs. Un pas vers plus de tolérance. Puis Erin Gruwell décide de rassembler leurs écrits dans un essai pédagogique intitulé The Freedom Writers Diary (publié en français sous le titre Journal des Écrivains de la Liberté). L’ouvrage consiste en un ensemble de descriptions crues des difficultés vécues par ces adolescents. Il devient un bestseller. Et en 2007, Paramount Picture en fait un film : Écrire pour exister.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’empreinte laissée par Erin Gruell et ses techniques d’enseignement novatrices au lycée Woodrow Wilson est encore visible aujourd’hui. Ses premiers élèves sont, pour beaucoup, parfaitement intégrés dans le monde du travail : l’un est architecte à Los Angeles, l’autre est patron d’une société de réseaux sociaux. Plusieurs sont infirmières ou officiers dans l’armée. (Découvrez un autre enseignant exceptionnel, à Kampala)

« Je n’aurais jamais fait d’études si elle n’avait pas été ma prof », déclare Daisy Farias. Fille d’immigrés mexicains et salvadoriens, Daisy enseigne à son tour. Son école est même située tout près de celle qu’elle fréquentait à l’époque où elle suivait les cours d’Erin Gruwell.

Erin Gruwell en train de regarder un homme (de dos), assis en face d’elle Gruwell (D.A. Peterson)
Erin Gruwell (D.A. Peterson)

Daisy se souvient très bien de son premier jour en tant que prof. « Quand je suis entrée dans la classe, je me suis vue. J’ai vu les Tiffony, les Maria. J’ai vu les « Écrivains de la Liberté. »

Tiffony Jacobs. Il y a 20 ans, elle aussi faisait partie des élèves d’Érin Gruwell. Ça a plutôt mal commencé, confie-t-elle. « Elle m’a fait asseoir à l’avant de la classe et elle n’arrêtait pas de me surveiller. J’ai su que j’allais devoir travailler dur », raconte-t-elle.

Mais aujourd’hui, Tiffony est pleine de reconnaissance. «  J’ai un diplôme universitaire. Une vie bien organisée. Je n’accepte pas que l’on me manque de respect, et je me respecte », explique-t-elle.

Tiffony travaille à plein temps pour la fondation Freedom Writers*. Une organisation lancée par Erin Gruwell tandis que ses premiers élèves entamaient leurs études universitaires et leur carrière. La fondation forme les professeurs qui enseignent aux adolescents provenant de milieux défavorisés. Objectif : apprendre aux adultes à aider les jeunes à améliorer leurs résultats scolaires et à surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

Avec l’aide de Daisy Farias et d’autres anciens élèves, la fondation a formé 400 enseignants et elle est intervenue auprès de 450 000 élèves, avec un programme axé sur la tolérance et l’intégration. L’organisation attribue également des bourses universitaires aux jeunes qui ont fait de bonnes études au lycée, en dépit de circonstances personnelles difficiles.

Erin Gruwell aide aussi les professeurs étrangers : elle est allée à Taiwan, aux Pays-Bas et en Écosse. Cette année, elle se rend en Israël. « Rien ne peut arrêter cette femme, affirme Tiffony Jacobs. C’est comme une locomotive qui fonce en avant à toute vapeur. »

Ce qui motive Erin Gruwell, ce sont les professeurs qui travaillent avec des jeunes défavorisés. « Les enseignants sont des super-héros, affirme-t-elle. Ce sont des gens qui croient en la justice sociale, qui se battent pour les laissés-pour-compte.”

 

*en anglais