Demandez à Nadeem Mazen, à 32 ans le plus jeune membre du conseil municipal de Cambridge*, au Massachusetts, comment il envisage son avenir dans dix ans, et sa réponse pourrait vous surprendre.

« Ne plus faire de politique, espérons », assure-t-il. Du moins en tant que titulaire d’une charge publique.

Tout s’explique quand on sait qu’il consacre tous ses efforts à préparer les leaders de demain.

En marge de ses fonctions de conseiller municipal (il s’est engagé à ne pas exercer plus de trois mandats), il s’emploie à créer des équipes, des action teams, dit-il, chargées de s’attaquer à certains des problèmes les plus épineux de la ville. Son but : encourager le changement politique et social dans la durée en développant le leadership et en formant de futurs candidats.

« À terme, c’est ce type de leadership politique et pour la justice sociale qui pourra implanter le changement social », affirme Nadeem Mazen.

Des valeurs ancrées dans la foi

Américain d’origine égyptienne, il s’est présenté aux élections municipales en 2013. Élu, il est entré en fonction en janvier 2014. Qu’est-ce qui pousse cet homme d’affaires diplômé du Massachusetts Institute of Technology à se mettre au service de sa collectivité ? L’islam, répond-il.

En particulier, le concept islamique du fard kifaya décrit l’obligation de solidarité faite aux musulmans, celle de nourrir ceux qui ont faim et de secourir ceux qui sont malades, si la communauté ou le gouvernement ne s’acquitte pas pleinement de ce devoir.

« Si ces obligations ne sont pas respectées, il incombe à chaque personne de cesser ses occupations et de commencer à prendre les choses en main », explique-t-il.

Voilà pourquoi, à Cambridge, Nadeem Mazen se démène pour mettre des activités périscolaires à la portée des jeunes des milieux défavorisés, relever le salaire minimum et développer une offre de logements au loyer abordable. Pour maximiser son impact, il forme des groupes de citoyens qui planchent sur ces questions. Et, à leur tour, ces personnes cherchent à en mobiliser d’autres.

« Oui, le système fonctionne si on y consacre le temps voulu et si, au lieu de compter exclusivement sur les politiciens, on se tourne vers les membres de la collectivité qui ont des idées excellentes et on cherche à élargir le cercle des gens mobilisés de la sorte », insiste le conseiller municipal.

Pendant son premier mandat, le jeune entrepreneur a forgé des partenariats avec ses collègues et d’autres responsables publics.

Jan Devereux, fondatrice d’une petite association de voisinage, a fait la connaissance de Nadeem Mazen après qu’il a remporté sa première victoire électorale. Il l’a encouragée à briguer un poste au conseil municipal, et d’autres en ont fait autant. Alors, elle s’est lancée. Et elle a été élue.

« J’ai le plus grand respect pour Nadeem. C’est un ami. C’est un allié politique », a-t-elle déclaré dans un entretien au Boston Globe*.

Mazen has set his own term limits for office. (Samara Vise)
Nadeem Mazen a fixé à trois le nombre maximal de mandats qu’il exercera. (Samara Vise)

Nadeem Mazen fait remarquer que, dans l’histoire des États-Unis, les minorités se sont heurtées à l’intolérance religieuse. Et qu’elles l’ont surmontée. Personnalité respectée dans la communauté musulmane de Cambridge, il souligne l’importance de « travailler avec des alliés, avec d’autres communautés, qui ont fait l’expérience de la haine ».

« Ce sont des alliés pour un objectif important (…), celui d’améliorer la condition de toutes les vies humaines, ajoute-t-il. Nous voulons améliorer l’équité, l’impartialité et la justice. Je pense que ces valeurs sont extrêmement patriotiques, aux yeux des Américains. »

Qu’il cherche à proposer des activités aux enfants après l’école ou à défendre la liberté de religion, Mazen applique la même stratégie : il donne aux citoyens les moyens de se prendre en main pour parvenir à un changement. Pour le moment, il compte se concentrer sur ses entreprises dans le secteur de l’éducation quand son troisième mandat aura pris fin.

Pour autant, il n’écarte pas un retour à la politique dans une dizaine d’années.

« Si je reviens en politique, déclare-t-il, ce sera avec les plus grandes réserves et en réfléchissant au maximum aux caractéristiques d’un bon leader. Mon objectif, c’est de créer des occasions pour les autres. »

 

*en anglais