Propos du secrétaire d’État John Kerry à l’occasion de la conférence de haut niveau sur l’Afghanistan
New York Palace Hotel
New York, New York
26 septembre 2015
Le secrétaire d’État John Kerry : Merci beaucoup, Monsieur le ministre Rabbani. Et bienvenue à New York à tous nos collègues pour le marathon diplomatique annuel de l’ONU. Nous sommes ravis de vous accueillir. Monsieur le chef de l’exécutif Abdullah, merci beaucoup. Monsieur le ministre Wang, merci pour votre participation. Et quant à nos amis d’Afghanistan, amis de nous tous, nous sommes très heureux de vous accueillir ici.
Pour commencer, je souhaite remercier le ministre Wang Yi d’avoir accepté de co-présider cette conférence. Je pense que beaucoup d’entre vous ont constaté la réussite de la rencontre que nous avons eue pendant deux jours à Washington avec le président Xi, rencontre au cours de laquelle nous avons fait de grandes annonces concernant le changement climatique et la cyber-sécurité, ainsi que d’autres initiatives très importantes entre nos pays. Toutefois, l’essentiel de nos discussions a porté sur la responsabilité mondiale, sur les objectifs de développement, et je pense que l’on peut dire qu’il n’y a pas un seul grand défi dans le monde d’aujourd’hui qui puisse être relevé plus efficacement sans l’aide de la Chine.
Nous saluons donc la participation de la Chine, notamment en tant que voisin proche et en tant que pays qui connaît parfaitement bien les principaux courants en jeu à l’heure actuelle en Afghanistan. Je tiens à souligner que les États-Unis se félicitent de l’implication de la Chine sur toutes ces questions et que nous sommes impatients de coopérer avec tous les pays ici présents en vue de soutenir le président Ghani et le chef de l’exécutif Abdullah dans leurs efforts pour construire un pays plus stable et uni, sûr et prospère.
Telle est l’ampleur de notre tâche aujourd’hui – et je suis impatient d’entendre les interventions de toutes les personnes ici présentes, y compris, espérons-le, certaines interventions spontanées – car elle reflète véritablement le caractère essentiel de ce moment particulier. Le gouvernement afghan d’unité nationale a assumé l’entière responsabilité de la sécurité de son peuple. Il s’agit d’une immense étape. Il va désormais de l’avant avec un programme de réformes conçu par lui-même. L’aide permanente fournie par la communauté internationale est pleinement justifiée pour la simple raison que le succès de l’Afghanistan est notre objectif à tous. La plupart des pays réunis autour de cette table ont pris des engagements très forts – quasiment tous les pays autour de cette table ont pris des engagements très forts en vue d’atteindre cet objectif, que ce soit en envoyant des personnes sur le terrain ou en fournissant de l’aide au pays.
L’année dernière, j’ai eu le privilège de passer de nombreuses heures avec le président Ghani et le chef de l’exécutif Abdullah, que je suis ravi d’avoir à mes côtés aujourd’hui, car cela souligne l’importance de cette réunion. Nombreux étaient ceux qui pensaient, à l’époque, que compte tenu de l’âpreté de l’élection présidentielle, il n’y aurait jamais d’unité dans le pays, que l’Afghanistan était peut-être au bord de l’implosion et que le pays lui-même serait par conséquent divisé et que tout ce à quoi nous avions œuvré serait perdu.
Je dois vous dire que, pour ma part, ce n’est pas ce que j’ai observé. J’ai vu deux hommes qui connaissaient parfaitement les enjeux de leur pays et qui étaient tous deux déterminés à faire passer les priorités nationales avant leurs ambitions politiques personnelles. Il est aisé de sous-estimer le courage de la décision qu’ils ont prise de créer ensemble ce gouvernement unique d’unité nationale. Car de toute évidence, même avec les meilleures initiatives qui ont été prises sous leur direction, nous savons tous que l’Afghanistan continue de faire face à des défis colossaux.
Le peuple afghan reste sous la menace des talibans, tandis que d’autres extrémistes violents ont également fait leur apparition. Il faut encore renforcer l’administration gouvernementale et les institutions judiciaires. Le système électoral doit encore être réformé en profondeur, et il s’agit là de l’un des principaux objectifs du chef de l’exécutif Abdullah. L’économie commence tout juste à révéler son potentiel. La corruption et les violations des droits de l’homme représentent des questions très préoccupantes pour tous, et nous savons qu’elles doivent être réglées.
Ces problèmes, et d’autres encore, ne sauraient être sous-estimés bien entendu, mais nous ne devons pas non plus ignorer les remarquables progrès qui sont en train d’être réalisés et qui définissent l’engagement et l’avenir de l’Afghanistan. Les grandes tendances en matière de développement sont positives en Afghanistan. Il y a peu, les jeunes filles afghanes étaient peu éduquées, voire pas du tout. Aujourd’hui, des millions d’entre elles sont scolarisées, ce qui est essentiel car l’accès à l’éducation des filles s’est révélé être l’une des principales mesures du progrès dans tout pays en développement. Il faut également souligner que les femmes afghanes, qui étaient jusqu’alors confinées dans leur domicile, sont désormais membres de cabinet, juges, générales de l’armée et dirigeantes d’entreprises. Enfin, il importe de souligner que toute une nouvelle génération d’Afghans est désireuse de voir son pays progresser, de trouver sa place au sein de la communauté internationale et de l’économie mondiale, d’innover et de lancer de nouvelles entreprises qui créeront des emplois dans les années à venir.
Sur le front politique, le président Ghani a nommé les hauts responsables du gouvernement en étroite coordination avec le chef de l’exécutif Abdullah. Les ministres mettent en œuvre des plans sur cent jours. Des gouverneurs ont été nommés dans la plupart des provinces et s’efforcent d’améliorer la fourniture des services de base. Le gouvernement a également pris des mesures pour renforcer la coopération et la confiance à l’égard des gouvernements de nombreux pays voisins représentés ici aujourd’hui. Nous avons un véritable partenaire au sein de ce gouvernement, et c’est pourquoi les États-Unis soutiennent vivement tous ces efforts avec vous tous.
La sécurité reste néanmoins une grave préoccupation. Les talibans, notamment le réseau Haqqani, continuent de perpétuer des actes d’une violence extrême contre des civils innocents, les forces de sécurité afghanes et le personnel américain, en plus d’autres cibles occasionnelles. Tandis qu’Al-Qaïda reste une menace et que la présence de Daesh (ISIL) a créé un nouveau risque imprévu dans ce contexte déjà très instable, je tiens à souligner que les États-Unis soutiennent pleinement les efforts de réconciliation du président Ghani et du chef de l’exécutif Abdullah avec les talibans. Mon pays considère depuis longtemps qu’un processus de réconciliation dirigé par les Afghans constitue le moyen le plus sûr de parvenir à la stabilité et de mettre un terme au conflit. Je souhaite néanmoins souligner qu’aucun accord de paix ne doit intervenir au détriment des femmes afghanes et de la société civile ou sans tenir compte des minorités afghanes et des protections qui ont été mises en place dans le cadre de la constitution par les Afghans eux-mêmes.
Par ailleurs, le président Ghani, le chef de l’exécutif Abdullah et leur cabinet ont lancé une série ambitieuse de réformes économiques. Le gouvernement s’est fixé comme priorité de renforcer la connectivité dans la région. De nombreux projets dans les domaines de l’énergie, du commerce et des infrastructures sont en cours, notamment la ligne de transport d’électricité CASA-1000. J’espère qu’à l’occasion de la conférence « Cœur de l’Asie » qui se tiendra à Islamabad en décembre 2015, nous examinerons ensemble de nouvelles pistes pour faire des progrès sur un programme économique régional complet. Comme chacun sait, rien ne peut faire davantage évoluer les possibilités, les visions, la vie des populations et, au final, la politique que la capacité d’intervenir sur la scène internationale grâce au développement économique et d’améliorer la vie des populations.
Aussi, permettez-moi d’être clair : Nous, les États-Unis, avons confiance dans le président et le chef de l’exécutif. Nous avons confiance, avant tout, dans le peuple afghan. Et nous considérons que la grande majorité des Afghans souhaitent bâtir une société qui soit unie, de plus en plus prospère, protégée contre la menace des terroristes et des organisations criminelles, et respectueuse de chacun d’entre eux en tant qu’être humain. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui et pourquoi ce moment est aussi essentiel.
L’année prochaine, avec deux conférences de contribution des donateurs à l’horizon, la région et la communauté internationale devront renouveler et renforcer leurs engagements sécuritaires, économiques et politiques en Afghanistan. Je sais que nos ressources collectives doivent répondre à de nombreux besoins concurrents, mais je vous demande instamment de maintenir l’Afghanistan parmi nos priorités en termes de développement international et d’aide à la sécurité. Nous avons remporté de formidables batailles ces dernières années pour obtenir les progrès enregistrés aujourd’hui. Il serait tragique d’abandonner le pays et de renoncer à tous ces efforts. Le temps se mesure de multiples façons ; or, il me semble que même si cela peut encore prendre quelques années, ce n’est pas important tant que l’on est sûr d’atteindre son objectif.
Maintes et maintes fois lors de mes visites en Afghanistan, j’ai rencontré des gens qui voulaient vivre sans crainte, offrir la meilleure éducation possible à leurs enfants, avoir accès à des soins de santé de base, pouvoir trouver un emploi gratifiant et pour être en mesure de regarder vers l’avenir avec un sentiment de réelle possibilité. Au final, ce sont les Afghans qui détermineront l’avenir de leur pays, mais nous sommes tous en mesure de les aider et certains pays autour de cette table plus que d’autres.
Le monde attend de savoir si les bâtisseurs – ceux qui souhaitent bâtir l’avenir de l’Afghanistan – l’emporteront sur ceux dont le principal objectif est de détruire, et si ceux qui respectent les droits des autres l’emporteront sur ceux qui ne reconnaissent aucun droit hormis celui qu’ils édictent. Sachez-le bien : l’avenir de l’Afghanistan importe à chacun d’entre nous ici présents.