
Dans la province chinoise du Xinjiang, dans l’ouest du pays, les femmes ouïgoures épousent des hommes han, non pas par choix, mais parce que si elles refusent, ces femmes et leurs familles risquent d’être arrêtées ou envoyées dans des camps d’internement.
Les Ouïgours sont une minorité ethnique majoritairement musulmane et turcique, tandis que les Han représentent l’ethnicité la plus importante de Chine. Historiquement, le nombre des mariages mixtes est faible.
Le gouvernement chinois veut que ça change.
Les mariages forcés font partie des méthodes utilisées par la Chine pour éliminer la culture des Ouïgours et les assimiler à la société dominée par les Han. C’est un nouvel exemple de la manière dont le gouvernement prend le contrôle* de tous les aspects de la vie des Ouïgours – en leur imposant des restrictions sur les prénoms qu’ils peuvent donner à leurs enfants, en leur dictant des codes vestimentaires ou encore en tentant de contrôler ce qu’ils mangent et boivent.
Il y a quelques années, le gouvernement a offert une récompense financière aux couples interethniques pour qu’ils se marient. Comme cette opération n’a pas remporté un franc succès, les autorités ont fait la promotion des mariages interethniques par le biais de vidéos en ligne montrant des couples resplendissant de bonheur ainsi que d’articles de magazines donnant des conseils aux hommes han pour « ravir le cœur d’une jeune fille ouïgoure ».

Mais les Ouïgours qui vivent en dehors de Chine affirment qu’en réalité, les femmes ouïgoures n’ont pas le choix.
« Ces [mariages] sont forcés », dénonce Rushan Abbas, directrice de Campaign for Uyghurs, une organisation de défense des droits de l’Homme basée à Washington. « Si ces filles disent non à ces hommes, la fille ou ses parents sont envoyés dans un camp. »
Le Xinjiang abrite pas moins de 1 200 camps d’internement. Depuis avril 2017, les autorités chinoises ont emprisonné plus d’un million de membres des ethnies ouïgoure, kazakhe et kirghize ainsi que d’autres minorités musulmanes. Les camps sont « conçus pour effacer les identités ethnoreligieuses* », indique un rapport du département d’État de 2019.
Les gens se retrouvent détenus dans des camps sans avoir eu droit à un procès pour de simples activités quotidiennes, comme porter le hijab. Selon des sources crédibles, des cas de décès en détention ont été signalés ainsi que des allégations de travail forcé, de tortures et d’autres traitements dégradants dans les camps.
The Sinophone internet is awash with short videos promoting Han-Uyghur inter-marriage. This one asserts that Xinjiang has long been a mixed race region and is now safe and home to many beautiful and eligible Uyghur women who will appreciate a doting Han husband pic.twitter.com/yuHnidD0L7
— James Leibold (@jleibold) April 23, 2019
Un afflux d’hommes han
Ces deux dernières années, le gouvernement chinois a envoyé plus de 1,1 million d’agents publics, localement appelés « parents », vivre chez des Ouïgours du Xinjiang afin de surveiller et signaler toute activité religieuse et leur fidélité au parti. Ceci, ajouté à l’emprisonnement de jeunes gens ouïgours dans des camps, a conduit à un nombre disproportionné d’hommes han dans la région.
Dans un article récent, l’anthropologue Darren Byler de l’Université du Washington (UW) a interviewé des femmes du Xinjiang qui ont dit avoir subi des pressions pour épouser ces Chinois han récemment arrivés. Gulmira, l’une des femmes interrogées, a déclaré que son employeur organise régulièrement des soirées dansantes le vendredi pour les femmes ouïgoures et les hommes han.
« Dernièrement, il y a beaucoup de personnes qui ont épousé des “parents” », confie Gulmira à l’anthropologue. Si vous refusez, vous pouvez être envoyé dans un camp, ajoute-t-elle.
Ce que la Chine fait au Xinjiang « est vraiment la souillure du siècle », a déclaré le secrétaire d’État, Mike Pompeo, lors de la Conférence ministérielle pour l’avancement de la liberté de religion de juillet dernier.
*en anglais