Un boa post moderne créé par David Gaussoin et Wayne Nez Gaussoin (respectivement des tribus Diné et Picuris Pueblo) ; 2009 (© David Gaussoin et Musée des arts et de la culture amérindiens)
Stack of bracelets of silver and colored stones (© Walter Silver/Peabody Essex Museum)
Des bracelets créés par Mike Bird-Romero (des tribus Ohkay Owingeh et Taos Pueblos) et par Ray Adakai et Alice Shay (tous deux de la tribu Diné), 2000-10. Avec l’aimable autorisation de Catherine B. Wygant. (© Walter Silver/Peabody Essex Museum)

De plus en plus de stylistes amérindiens font leur marque sur la scène mondiale de la mode en remettant en question les notions dépassées du style traditionnel qu’on leur associe.

« Le design amérindien contemporain va bien au-delà des perles, peaux de daim et plumes que l’industrie de la mode perpétue comme étant les éléments fondamentaux du style amérindien », explique Karen Kramer, conservatrice de l’exposition itinérante Native Fashion Now. À l’affiche à la galerie à New York du Musée national des Amérindiens, fondé par la Smithsonian Institution, l’exposition met en vedette les œuvres de stylistes autochtones de l’Amérique du Nord dans une collection qui s’étend des années 1950 à nos jours.

L’exposition, développée par le musée Peabody Essex de Salem, au Massachusetts, comprend près de 70 pièces d’art portables et reflète l’esthétique particulière de chaque concepteur, allant des designs très glamour au style urbain streetwear.

Tall blue boots with elaborate beaded design depicting birds (© Walter Silver/Peabody Essex Museum)
Jamie Okuma (des tribus Luiseño et Shoshone-Bannock), 2013–14, motif avec des perles de verre sur des bottes créées par Christian Louboutin (© Walter Silver/Peabody Essex Museum)

L’exposition Native Fashion Now révèle comment les concepteurs de mode amérindiens tirent parti des luttes et des triomphes de leurs prédécesseurs. On peut citer l’exemple de Charles Loloma (de la tribu Hopi) qui, au milieu des années 1950, a commencé à créer des bijoux d’un style remarquablement moderne. Les critiques d’art les avaient d’abord dédaignés parce que, d’après eux, ces bijoux « n’étaient pas amérindiens ».

Charles Loloma créait des bijoux avec de l’or, du lapis-lazuli, de la sugilite, des perles et du diamant, des matériaux qui n’étaient pas utilisés dans les bijoux amérindiens traditionnels faits, eux, d’argent et de turquoise.

Il faudra plusieurs années avant que les créations de Charles Loloma ne deviennent prisées, ce qui a encouragé d’autres bijoutiers amérindiens à innover dans leur art.

« De nos jours, les designers amérindiens s’inspirent encore de leur patrimoine, explique Karen Kramer, mais ils l’étoffent et emploient avec beaucoup de créativité toute une gamme de styles, de motifs, de matériaux et de techniques ainsi qu’une palette de couleurs extraordinairement variée. »

Woman wearing fancy black evening dress and hat (© Thosh Collins)
Une robe de la collection « Day of the Dead », par Sho Sho Esquiro (tribus Kaska Dene/Cree), 2013 (© Thosh Collins)

Karen Kramer fait remarquer que deux générations séparent le bijoutier Pat Pruitt (de la tribu Laguna Pueblo) de Charles Loloma, mais qu’il s’inscrit « dans sa lignée sur le plan de la conception tout en étant différent sur le plan de l’esthétique ».

Pat Pruitt a étudié l’ingénierie mécanique, précise-t-elle. « C’est pourquoi il tend vers le design industriel et se sert d’une palette restreinte de gris et de noir. Ses bijoux, faits d’inox et de zirconium, ont une apparence très sévère et quelque peu gothique », explique-t-elle

La haute couture est également représentée dans l’exposition, avec une robe de soirée ornementée de plumes, de peau de carpe, de queue de castor et de fourrure de phoque, créée par Sho Sho Esquiro (des tribus Kaska Dene/Cree). Sans oublier les robes de jour diaphanes, conçues par Patricia Michaels (de la tribu Taos Pueblo) qui a participé au programme-concours télévisé Project Runway.

Vous avez un faible pour les chaussures ? Vous serez séduit par une paire de bottes à talons de Christian Louboutin, ornementées de motifs très travaillés et incrustés de perles, l’œuvre de Jamie Ocuma (des tribus Luiseño/Shoshone-Bannock). L’artiste base souvent ses créations sur une ébauche fournie par le designer de la chaussure.

La ligne de vêtements streetwear, créée par le designer de T-shirts Jared Yazzie (de la tribu Navajo ou Diné), transmet des messages politiques. Jared Yazzie « regarde l’Histoire de l’autre côté de la lorgnette et la raconte en quatre mots », note Karen Kramer à propos d’un T-shirt sur lequel figure la phrase : Native Americans discovered Columbus (Les Amérindiens ont découvert [Christophe] Colomb).

Man wearing T-shirt, hat and sunglasses (© Thosh Collins)
Le T-shirt de Jared Yazzie sur lequel figure la citation Native Americans discovered Columbus, 2012 (© Thosh Collins)

Karen Kramer ajoute que les designers amérindiens n’occupent pas seulement un secteur spécialisé dans l’industrie ; ils font partie plutôt de la scène mondiale de la mode grand public. Toutefois, comme leurs créations le démontrent, ils sont capables de s’inspirer de leur patrimoine culturel tout en bouleversant les clichés associés aux tribus.

« J’espère que les visiteurs quitteront l’exposition avec une compréhension approfondie de la diversité et du dynamisme de l’expression artistique des Amérindiens dans le domaine de la mode », confie Karen Kramer. Aujourd’hui, « la mode amérindienne s’intègre de plus en plus dans la vie de tous les jours, sur internet, dans les magasins, dans les skate parks  – elle est pratiquement partout. »