Pour Erin Gruwell, tolérer ne suffit pas : il faut accepter. Et accepter, ça s’apprend. Qui sait d’ailleurs si ce n’est pas une faculté innée ? Elle estime en tout cas qu’il faut travailler avec les jeunes pour faire passer ce message.
Cette mission lui tenait déjà à cœur quand elle a commencé à enseigner dans un lycée réputé difficile de Long Beach, en Californie. Échecs scolaires, hostilité raciale, drogue, violence : un milieu dans lequel les élèves se détestaient, et détestaient l’école aussi.
Alors, elle leur a appris à se confier dans des journaux intimes, à vider leur sac, en quelque sorte. Aucun sujet n’était tabou : gangs, immigration, divorce, suicide, anorexie, dépression… Ils écrivaient dans l’anonymat, pour pouvoir se lire les uns les autres. Petit à petit, ils ont compris qu’ils se ressemblaient tous un peu. Le début de la tolérance.
En 1999, Erin Gruwell fait de leurs écrits un essai pédagogique collectif qu’elle publie sous le titre de The Freedom Writers Diary (publié en français sous le titre Journal des Écrivains de la Liberté). Les freedom writers, c’était le nom que s’étaient donné ses élèves : il rappelle les freedom riders des années 1960, le surnom des militants des droits civiques qui protestaient contre la ségrégation.
Le livre, un best-seller, est porté au grand écran en 2007 (Être pour exister). Il donne naissance aussi à une fondation, la Freedom Writers Foundation, qui se consacre à la formation des enseignants et des élèves.
À la base, toujours la même volonté : « On essaie de tirer les leçons de l’inhumanité de l’Homme pour apprendre à mieux accepter les autres », explique Erin Gruwell.
Voici quelques-unes des activités que propose Erin Gruwell dans les ateliers pédagogiques qu’elle anime aujourd’hui :

Le « Line Game » : Demander aux élèves de se placer en silence derrière une ligne au sol marquée par un ruban adhésif. Commencer par poser des petites questions pour créer une atmosphère détendue. Passer ensuite à des questions plus sérieuses. « Placez-vous sur la ligne si vous avez jamais été à la rue », demande Erin Gruwell. Parfois, pour mettre les élèves plus à l’aise, elle ajoute : « ou si vous connaissez quelqu’un qui est SDF ». Tôt au tard, ils se retrouvent tous sur la ligne – preuve qu’ils ont tous quelque chose en commun.
Tenir un journal : « Écrivez ce qui doit être dit », conseille Erin Gruwell. Elle encourage ses élèves à s’exprimer au travers d’anecdotes personnelles, sans soucier de la ponctuation ni de la place des compléments. L’exercice peut être anonyme : il suffit que tous les textes soient rédigés avec la même police de caractères et au même format. Et d’attribuer un numéro anonyme aux élèves pour masquer leur identité. En se révisant les uns les autres, ils se rendent compte qu’une expérience personnelle peut aussi bien être universelle.
Le choix des livres : Sélectionner des ouvrages qui « parlent » aux jeunes. Roméo et Juliette, un roman sur fond de conflit civil, ou le Journal d’Anne Frank, qui parle d’intolérance et d’isolement, peuvent donner lieu à d’excellentes discussions.

L’exercice du « Maintenant » : Encourager la compréhension entre les élèves en prenant des exemples de la vie de tous les jours et de l’actualité. Dans le cas des attentats de Paris, suggère Erin Gruwell, il faudrait examiner tous les aspects de l’évènement. « Je parlerais de la liberté d’expression, j’essaierais de trouver un non-musulman et un musulman, et je les ferais venir en classe pour écouter ce qu’ils ont à dire. »
Porter un toast au changement : Pour cet exercice, remplir des coupes ou des gobelets en papier avec du cidre. Demander aux élèves de former un cercle et de dire, chacun leur tour, ce qu’ils aimeraient faire différemment. Leur dire qu’il n’est jamais trop tard pour repartir à zéro, dès maintenant. Vider son verre pour sceller l’affaire.