Aux États-Unis, les jeunes adultes nés entre 1977 et 1994 forment la génération la plus diversifiée sur le plan racial. Mobilisés pour changer leur monde, ils se tournent vers les figures de proue des droits civiques qui les ont précédés.

Plusieurs de leurs héros ont joué un rôle de chef de file dans le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), l’un des grands organismes du mouvement des droits civiques dans les années 1960.

Donnel Baird, 33 ans, New York, fondateur de BlocPower
Son héros : Diane Nash

Photos de Donnel Baird et de Diane Nash (Crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

BlocPower * et ses partenaires ont une mission : promouvoir et financer des projets qui encouragent l’efficacité énergétique dans les petites entreprises, les églises et les établissements scolaires en milieu urbain. Notre association recrute du personnel sur place pour mettre aux normes les bâtiments. Pendant 18 mois, Diane Nash* a étudié la non-violence, comme la définissait Gandhi, avec le révérend James Lawson et d’autres étudiants, au SNCC.

Elle voulait apprendre comment la non-violence pouvait faire tomber un régime ségrégationniste violent dans le sud des États-Unis. Elle a tenu tête à des juges et est allée volontairement en prison, en Alabama, quand elle était enceinte de huit mois. En mettant sa vie en danger pour suivre ses principes, elle a contribué au démantèlement des lois Jim Crow à la base de la ségrégation des races.

Notre génération peut tirer des leçons de la témérité et du génie stratégique de Diane Nash pour obtenir des résultats inespérés. Je veux suivre son exemple pour trouver avec d’autres des solutions au chômage et au changement climatique.

Dana Bolger, 23 ans, Missouri, cofondatrice de la campagne Know Your IX
Son héros : Rosa Parks

Photos de Dana Bolger et de Rosa Parks (Crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

Je suis la coordonnatrice de Know Your IX*, une campagne qui a pour vocation d’informer les étudiants dans tout le pays de leur droit d’être protégés contre la violence et le harcèlement sexuels. Elle tire son nom de la loi qui s’appelle « Title IX ».

On se souvient que Rosa Parks, c’est la jeune couturière qui a refusé de céder sa place dans un bus à un homme blanc. À l’époque, elle militait déjà depuis des années contre les violences sexuelles, et elle recueillait des témoignages de femmes noires brutalisées par des hommes blancs.

Rosa Parks était bien plus radicale que ce qu’on lit sur elle au lycée. Elle osait critiquer le statu quo et exigeait ce qui semblait impossible. Elle savait que pour faire lâcher du terrain aux autorités, il faut leur forcer la main – et nous tous aujourd’hui qui essayons de faire bouger les choses, nous devons garder ça à l’esprit.

Zim Ugochukwu, 25 ans, San Francisco, fondatrice de Travel Noire
Son héros : Charles Neblett

Photos de Zim Ugochukwu et de Charles Neblett (Crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

En 2009, quand j’étais à l’université de Caroline du Nord-Greensboro, j’ai créé le projet Ignite Greensboro pour soutenir l’ouverture du musée des droits civiques de la ville.
Plus récemment, j’ai lancé un autre projet, Travel Noire*, pour donner à plus de jeunes Afro-américains la possibilité de voyager à l’étranger.

J’admire Charles Neblett*, un leader du SNCC, qui s’asseyait à des comptoirs réservés aux Blancs, à Greensboro. C’est là où j’ai fait mes études. Il n’a pas attendu qu’on lui donne la permission de changer le monde. Il bravait l’injustice, et il a toujours tenu bon, sans avoir peur. C’est ce qui m’incite à lutter moi aussi contre les injustices.

Raheem Washington, 19 ans, Ohio
Son héros : Bob Moses

Photos de Raheem Washington et de Bob Moses (Crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

Au lycée, j’ai participé au Algebra Project*, qui enseigne les mathématiques dans une optique nouvelle. Un jour, on est allés en ville, on a pris des photos de grands monuments et on s’en est servi pour étudier des concepts mathématiques. Les profs m’ont fait comprendre que je pouvais aller à l’université et j’ai pris la décision difficile de mettre le football américain en veilleuse pour me concentrer sur mes études. Ça fait cinq ans maintenant que j’apporte un soutien scolaire à des enfants du primaire.

J’ai du respect pour  Bob Moses*, qui a lancé le projet Algebra. Dans les années 1960, il était l’un des leaders du SNCC, et il a aidé les Noirs à s’inscrire sur les listes électorales dans le Sud. Comme lui, je veux aider mon prochain et mon pays. Bob Moses a intégré les droits éducatifs au mouvement des droits civiques. Tous les Américains ont le droit d’être instruits, et il a beaucoup de mérite.

Erika Duthely, 28 ans, New York, avocate spécialisée dans les questions d’intérêt public
Son héros : Shirley Chisholm

Photos d'Erika Duthely et de Shirley Chisholm (Crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

Garantir à tous un accès égal à notre système de justice, c’est fondamental pour la protection des citoyens les plus vulnérables. J’aide les Américains à régler leurs différends devant les tribunaux.

Beaucoup de figures de proue et de militants des droits civiques m’ont inspirée, mais si je devais n’en choisir qu’un, ce serait Shirley Chisholm. Elle a exercé sept mandats de député. Elle était intelligente, passionnée et a ouvert la voie aux femmes noires en politique (dans mon État natal de New York, rien de moins). Sa vie est pour moi une source d’inspiration, que ce soit pour atteindre des objectifs personnels ou lutter pour les droits civiques.
Elle a exercé sept mandats de député. Elle était intelligente, passionnée et a ouvert la voie aux femmes noires en politique (dans mon État natal de New York, rien de moins). Sa vie est pour moi une source d’inspiration, que ce soit pour atteindre des objectifs personnels ou lutter pour les droits civiques.

Photos de Maya Thompson et de Simeon Booker (crédit photo/© AP Images)
(Crédit photo/© AP Images)

Au lycée, j’étais présidente de la section locale de la NAACP [Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur] et quand je suis arrivée en fac, j’ai choisi de me concentrer sur les études afro-américaines. À présent, je travaille sur la collection Voices of Civil Rights*, à la bibliothèque du Congrès ; je classe des lettres sur la ségrégation raciale écrites à l’époque de la lutte pour les droits civiques. Les récits de témoins de l’histoire sont utiles aux générations futures.

Le journaliste Simeon Booker* est pour moi une source d’inspiration. Ses articles parus dans la revue Jet relatent des évènements qui auraient été perdus à jamais s’il n’avait pas eu le courage de nous les faire connaître. Il a pris des risques parce qu’il était conscient de l’importance des questions en jeu. Il a fait un reportage sur le meurtre d’un adolescent noir, Emmett Till, et l’histoire d’Emmett et les photos de son corps sans vie ont ouvert les yeux du monde sur les atrocités dont beaucoup de gens ignoraient l’existence.

Dernièrement, j’ai eu l’honneur de rencontrer M. Booker. Il a parlé des dangers qu’il courait il y a des dizaines d’années seulement. J’ai été frappée de l’entendre dire qu’il ne savait pas s’il pourrait aller manger quand il travaillait : comme il était noir, l’accès aux magasins et aux restaurants lui était interdit dans beaucoup de villes. Il faut penser à ce qu’on tient pour acquis. Et continuer à nous battre pour la justice, à défendre les marginalisés.

 

*en anglais
[NDLR : Article adapté de la revue EJ|USA, février 2014]