Suffit-il d’avoir un salaire stable pour être heureux ? Pas pour Gustavo Rodríguez, un ex-négociant pour le compte d’entreprises internationales à Montevideo. Un jour, il en a eu assez de voir les produits bon marché déferler de Chine et d’ailleurs et asphyxier petit à petit les entreprises artisanales uruguayennes, celles mêmes qui avaient fait autrefois la renommée de son petit pays d’Amérique du Sud.
« Alors j’ai quitté mon boulot dans l’intention de créer quelque chose dont je serais fier », se souvient l’entrepreneur de 30 ans, aujourd’hui propriétaire de la marque OTRA Vintage Style Goods**.
Cette décision de Gustavo semblerait tout à fait logique à quiconque voudrait monter une affaire, mais elle allait en fait à contre-courant de la culture du Cône Sud, la région d’Amérique latine comprenant l’Uruguay, l’Argentine, le Paraguay et le Chili, peu encline à la prise de risques financiers.

Dans le Cône Sud, l’entrepreneuriat est rarement considéré comme un choix de carrière solide. La région a été marquée par des crises économiques cycliques, de quoi faire hésiter ceux qui aimeraient monter une start-up. Quant aux parents, ils encouragent leurs enfants à se lancer dans des carrières stables, dans la médecine et le droit, même si le marché du travail dans ces professions est déjà saturé.
Gustavo fait partie d’un petit nombre croissant de jeunes entrepreneurs qui rejettent le chômage et veulent résoudre les problèmes économiques de la société dans la région.
De son côté, Tatiana Podliszewski, une jeune femme d’affaires argentine, n’a pris conscience qu’elle était vraiment entrepreneure qu’après s’être retrouvée « entourée de beaucoup d’autres » entrepreneurs lors du cours inaugural de l’Initiative pour les jeunes leaders des Amériques (YLAI).
« C’est à cause de ce qu’on a en commun, explique-t-elle. On veut que la société change, et on travaille dans ce sens. »
L’Initiative pour les jeunes leaders des Amériques est un programme d’échange professionnel qui octroie des bourses à des entrepreneurs sociaux d’Amérique latine et des Caraïbes et qui leur fait découvrir des entreprises aux États-Unis.
Cam Houser, le fondateur de 3 Day Startup*, a dirigé l’Institut de l’entrepreneuriat, un cours de commerce que les fellows de YLAI ont suivi cette année par le biais d’une série de dialogues sur internet et en personne.

Pendant un atelier lors de la conférence YLAI de 2018, M. Houser a encouragé les participants à intégrer les caractéristiques uniques de leur pays à leurs plans d’affaires, même si le contexte diffère de celui de la Silicon Valley.
« Il faut célébrer les entrepreneurs de votre écosystème, a-t-il lancé. Il est moins important de faire quelque chose de parfait que de faire quelque chose, tout court. »
Gustavo Rodríguez, qui était présent à l’atelier de M. Houser, a été impressionné par la communauté de jeunes créateurs qu’il a rencontrés à Portland*, dans l’Oregon. Il aimerait créer un échange avec les entrepreneurs de cette ville pour montrer aux jeunes Uruguayens que, « à Portland, ça se passe », confie-t-il. « Ce sont des jeunes qui font de l’artisanat à l’ancienne, et qui réussissent. »
D’autres personnes souhaitent également établir un environnement propice aux start-up dans le Cône Sud, l’une des régions les plus prospères d’Amérique latine.
En septembre, l’ambassade des États-Unis à Buenos Aires s’est associée à la Chambre de commerce américaine en Argentine afin de lancer Network Joven**, une série de rencontres réservées aux jeunes professionnels. Au menu des discussions dans ces rencontres où interviennent des leaders du monde du commerce, du gouvernement et de start-up qui ont réussi : l’éthique des affaires, les meilleures pratiques et les stratégies de croissance.
Lors d’une des rencontres, Tatiana Podliszewski a présenté son projet d’entreprise Social Innovation Warehouse*. Pour elle, Network Joven est une source d’inspiration pour les entrepreneurs. « Son rôle est de mettre en relation ces gens pour qu’ils puissent apprendre et construire ensemble. »
*en anglais
**en espagnol