Shakifa Halal, immigrante syrienne, est arrivée à New York par bateau avec ses rêves enroulés dans une broderie qu’elle avait réalisée avant de quitter son pays.

« Elle a enroulé [sa broderie] et l’a emportée parce qu’elle voulait pouvoir prouver qu’elle avait un don (…). Pour elle, c’était la même chose que de présenter un diplôme », confie Vicki Tamoush, sa petite-fille, émue aux larmes.
La broderie de Shakifa, qu’elle a apportée aux États-Unis en 1910 quand elle avait 13 ans, est maintenant exhibée au Musée national de l’immigration, sur Ellis Island, dans le cadre d’une exposition intitulée Little Syria, N.Y.: An Immigrant Community’s Life and Legacy (Petite Syrie, NY : Vie et héritage d’une communauté d’immigrants).

Les documents, objets et photos rassemblés dans l’exposition racontent la vie d’une communauté originaire du Moyen-Orient venue s’installer dans le Lower Manhattan et dont la population était importante à une certaine époque. L’exposition continuera jusqu’au 9 janvier 2017, dans le même bâtiment où 12 millions d’immigrants ont posé le pied pour la première fois en Amérique.

Elle offre un aperçu du quartier de Little Syria, aujourd’hui disparu, d’une manière qui rappelle les articles de journaux actuels sur les réfugiés syriens.
Des années 1880 aux années 1940, le quartier de Little Syria s’est étendu le long du port de New York, puis a joué le rôle de pépinière pour d’autres communautés arabes au fur et à mesure que certains de ses habitants allaient s’installer ailleurs. On les retrouve à Brooklyn, à Detroit, à Cleveland, à Los Angeles et dans bien d’autres villes.

Shakifa Halal n’est pas restée longtemps à Little Syria. Elle est partie rejoindre d’autres membres de sa famille qui vivaient en Californie et où elle est devenue couturière.
Mais beaucoup d’autres immigrés syriens sont restés à Manhattan, établissant une communauté qui, au début des années 1900, comptait environ 3 000 personnes.

La majorité du quartier a été démolie dans les années 1940. Seuls trois bâtiments de cette époque existent encore.
Little Syria, c’est aussi là que la famille de Charlie Sahadi s’était installée à son arrivée du Liban, vers la fin des années 1800, et y a ouvert Sahadi Importing, une entreprise qui importe et vend des produits du Moyen-Orient.
L’exposition installée à Ellis Island comprend une photo remontant aux environs de 1920 sur laquelle on voit Abrahim Sahadi, le grand-oncle de Charlie Sahadi, à côté de boîtes de marchandises au nom de son entreprise « A. Sahadi & Co. ». La boutique Sahadi a déménagé à Brooklyn, dans les années 1940, et reste jusqu’à ce jour une épicerie fine très populaire.
Le parcours de la famille Sahadi s’apparente un peu à celui de Devon Akmon, un Arabo-Américain de quatrième génération qui est directeur du Musée national arabo-américain à Dearborn, dans le Michigan. C’est ce musée qui a créé l’exposition Little Syria et c’est là qu’elle a été présentée pour la première fois, en 2012.
« On se doit de (…) rendre hommage » à ces pionniers, a affirmé Akmon qui a assisté à l’inauguration de l’exposition sur Ellis Island.

Patricia Talisse a quitté Alep, en Syrie, pour immigrer aux États-Unis en 2012. L’exposition, dit-elle, lui a fait monter les larmes aux yeux en lui montrant « les valeurs et les expériences communes » des immigrés syriens d’hier et d’aujourd’hui.
« On est ici, et on y est depuis de nombreuses années », a-t-elle ajouté.
*en anglais