Portrait de Dilnur Reyhan, et un tableau représentant une vue de Paris en arrière-plan (avec l'aimable autorisation de Dilnur Reyhan)
Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïghour d’Europe à Paris, défend les Ouïghours dans le monde entier. (Photo offerte par Dilnur Reyhan)

Dès son enfance dans l’ouest de la Chine, Dilnur Reyhan a été marquée par ses lectures d’auteurs français et par les idéaux ancrés dans la culture de l’Hexagone, comme le respect de la liberté individuelle. La jeune femme a donc tout de suite su où aller lorsqu’elle s’est retrouvée confrontée à la discrimination au Xinjiang.

« J’étais venue en France parce que je croyais dans les droits de l’homme », a déclaré Mme Reyhan en mai 2021, précisant que sa passion pour la littérature française lui avait été transmise par sa mère. « Je n’ai donc pas choisi par hasard la France. »

Dilnur Reyhan a obtenu un doctorat en sociologie et enseigne aujourd’hui à l’Institut national des langues et civilisations orientales à Paris (Inalco). Elle est également présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, fondé à Paris en mars 2019.

L’Institut défend la cause de près de 10 000 Ouïghours installés en Europe, dont 10 % vivent en France. En outre, il propose des cours de langue, d’histoire, de musique et de danse ouïghoures. Il prévoit même d’ouvrir bientôt un salon de thé où seront organisés des événements locaux, avec spécialités culinaires ouïghoures au menu.

D’après l’Institut, la plupart des Ouïghours vivant en Europe sont jeunes, leur moyenne d’âge allant de 30 à 35 ans. Beaucoup sont venus en Europe pour suivre des études. Ils ont ensuite choisi de rester sur place plutôt que de risquer d’être persécutés par la République populaire de Chine (RPC), dont les autorités ont lancé une campagne de répression dans la province du Xinjiang.

Une route menant à un grand bâtiment équipé de barrières de sécurité à son entrée (© Mark Schiefelbein/AP Images)
La République populaire de Chine (RPC) a interné plus d’un million de Ouïghours et de membres d’autres minorités dans des centres de détention comme celui-ci, baptisé « centre n° 3 » d’Urumqi, au Xinjiang. (© Mark Schiefelbein/AP Images)

Depuis 2017, la République populaire de Chine a interné plus d’un million de Ouïghours et de membres d’autres minorités ethniques à majorité musulmanes.

Le pays interdit aux enfants ouïghours d’apprendre leur langue maternelle. Et ce n’est pas tout : il soumet des dizaines de milliers de personnes au travail forcé, pratique la surveillance de masse, collecte l’ADN sans consentement, restreint les pratiques religieuses, et jette en prison les artistes, les poètes et les intellectuels ouïghours.

Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont, chacun de leur côté, imposé des sanctions à certains hauts responsables chinois du Xinjiang* qu’ils accusent de violations des droits de la personne, et ils appellent la RPC à mettre fin à la répression contre les minorités.

Si le groupe de l’Institut ouïgour d’Europe s’est formé, explique Eleanor Hart, qui en est membre, c’est parce que les Ouïghours « avaient besoin de créer une structure qui réponde à la fois à ce qui se passe dans la région ouïghoure et à leur nouvelle situation, à savoir au fait qu’ils n’étaient plus seulement des étudiants ou des étudiants à l’étranger, mais aussi des personnes vivant en exil ».

La région du Xinjiang, située dans l’ouest de la Chine, compte environ 12 millions de Ouïghours. Des centaines de milliers d’autres membres de cette minorité ethnique vivent également dans les pays proches du Xinjiang, dont le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan.

Pour Dilnur Reyhan, les atrocités perpétrées par la RPC au Xinjiang offrent une raison supplémentaire de mettre en avant la culture ouïghoure. Rédactrice en chef du magazine Regard sur les Ouïghour-e-s, elle publie des témoignages sur la vie des Ouïghours, en langue ouïghoure et en français. Par l’intermédiaire de l’Iinstitut, elle sensibilise le public aux atteintes portées contre les droits au Xinjiang, tout en travaillant avec des militants et en faisant du lobbying auprès des dirigeants en faveur de la cause des Ouïghours.

« Le premier but est de sauvegarder la langue et la culture ouïghoures en Europe, souligne Mme Reyhan, notamment pour la première génération de Ouïghours nés en Europe, afin qu’ils soient à la fois pleinement ouïghours et pleinement européens. »

 

*en anglais