Illustration d’un bras géant aux couleurs du drapeau russe, la main attrapant un homme ayant les mains en l’air et le visage visé par un système de reconnaissance faciale (Illustration : département d’État/M. Gregory. Image : © rudall30/Shutterstock.com)
(Département d’État/M. Gregory)

En Russie, ceux qui se risquent à exprimer publiquement leur opinion contre la guerre en Ukraine encourent de longues peines de prison.

Le 8 juillet, Alexeï Gorinov, un élu de la ville Moscou, a été condamné à 7 ans de prison pour « diffusion de fausses informations » sur l’armée russe. La justice lui reproche d’avoir lancé un appel « à mettre fin à la guerre et à retirer les troupes russes du territoire ukrainien » lors d’une réunion du conseil municipal en mars, a rapporté le New York Times.

Gorinov est le premier Russe à être condamné à une peine de prison ferme depuis la promulgation d’une nouvelle loi à la suite de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, qui considère comme un crime toute critique de la guerre ou de l’armée russe.

Gorinov était un élu, mais les simples citoyens opposés à la guerre pourraient subir le même sort que lui. Alexandra Skotchilenko, une musicienne de Saint-Pétersbourg, risque actuellement une peine de 10 ans de prison pour avoir collé des messages anti-guerre* sur les produits d’une épicerie.

Les autorités l’ont arrêtée pour « diffusion de fausses informations » sur l’armée russe, a rapporté le Washington Post. Et un tribunal a ordonné qu’elle subisse une évaluation psychiatrique.

Capture d’écran d’une vidéo montrant une femme derrière des barreaux (© Joint press service of the courts of St. Petersburg/AP Images)
Alexandra Skotchilenko apparaît le 17 mai sur un écran dans le tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg. Elle a été arrêtée pour avoir collé des petits slogans anti-guerre sur des produits dans un supermarché. (© Joint press service of the courts of St. Petersburg/AP Images)

Le Kremlin force les médias indépendants et la dissidence politique à se taire.

Deux lois signées en mars par Vladimir Poutine permettent au gouvernement de réprimer davantage la liberté d’expression. Elles rendent les reportages factuels et les manifestations contre la guerre passibles de 15 ans de prison.

Et les autorités russes ne se contentent pas d’arrêter ceux qui s’opposent publiquement à la guerre : elles censurent aussi toutes les sources d’informations impartiales sur internet.

Par exemple, le Kremlin a exigé que Wikipedia, l’encyclopédie en ligne gratuite, supprime des articles* liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Wikipédia a refusé, estimant que le public était en droit de connaître la réalité.

La page Wikipedia en anglais consacrée à « l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 » commence ainsi : « Le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine en procédant à une escalade majeure de la guerre russo-ukrainienne commencée en 2014. » L’article indique également que cette invasion est responsable de la plus grande crise de réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Un tribunal de Moscou a condamné Wikipedia à une amende de 88 000 dollars pour avoir refusé de supprimer ces informations et d’autres publications sur les atrocités et les potentiels crimes de guerre commis en Ukraine, notamment concernant le meurtre de civils à Boutcha. Le gouvernement russe accuse le site de « propager de fausses informations » et de ne pas supprimer des informations interdites. Wikipedia a fait appel de l’amende.

Un homme tenant une affiche marquée d’une phrase en russe (© Alexander Zemlianichenko/AP Images)
Sergueï Besov, un illustrateur moscovite, risque d’être arrêté pour avoir manifesté contre la guerre. Sur l’affiche qu’il tient ci-dessus, dans son atelier de Moscou, il est écrit « tout le monde veut la paix ». Photo du 5 juillet (© Alexander Zemlianichenko/AP Images)

Konstantin Gamershmidt, un étudiant de l’université de Tioumen, a posté le message « non à la guerre » sur une plate-forme russe de réseaux sociaux, et des vidéos sur YouTube dans lesquelles il soutient l’Ukraine. Des responsables du ministère de l’Intérieur l’ont convoqué pour un interrogatoire* et sont allés chez lui. Il a été condamné à une amende de 1 200 dollars, a rapporté Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL).

Et la situation pourrait bien empirer pour la population russe. Les législateurs ont présenté un projet de loi contenant des restrictions supplémentaires* qui s’appliqueraient aux rassemblements à proximité des bâtiments officiels, des infrastructures vitales, des universités, des hôpitaux et des sites religieux et de pèlerinage. La loi interdirait également les manifestations de groupes ou de particuliers considérés comme des « agents de l’étranger ».

Ce projet de loi, qui modifie une loi existante sur les rassemblements de masse, fait suite à plusieurs manifestations organisées à Moscou et dans d’autres villes contre l’invasion de l’Ukraine.

Des gens marchant sur un pont décoré de drapeaux (© Sefa Karacan/Anadolu Agency/Getty Images)
Des passants sur le pont de Crimée décoré de drapeaux en l’honneur du Jour de la Russie. Photo du 11 juin (© Sefa Karacan/Anadolu Agency/Getty Images)

En outre, la Russie emploie des technologies de surveillance pour étouffer la dissidence politique et emprisonner les militants.

La police de Moscou a arrêté des dizaines de journalistes et de militants à l’aide d’un logiciel de reconnaissance faciale* installé dans le métro de la capitale, a rapporté RFE/RL. Leur arrestation a eu lieu le 12 juin, journée anniversaire de la déclaration de souveraineté de la Russie en 1990. Les journalistes ont déclaré que, selon la police, ils avaient été repérés comme de « potentiels manifestants » pendant la fête nationale russe.

 

*en anglais