Simulacres de procès et lourdes peines, le lot des Ouïgours en Chine

Des civils et des policiers près d’une mosquée dotée de deux minarets (© David Liu/Getty Images)
Des policiers patrouillent aux alentours de la mosquée Id Kah, le 30 juin 2020, à Kashgar, dans la région du Xinjiang. (© David Liu/Getty Images)

La République populaire de Chine (RPC) intensifie ses poursuites sans fondement contre les Ouïgours et d’autres minorités musulmanes, condamnant des personnes innocentes à des années de prison, affirme Human Rights Watch dans un rapport publié le 24 février.

Selon cette organisation, le système judiciaire de la RPC au Xinjiang a infligé des peines de prison à 250 000 personnes, et les affaires pour lesquelles des informations sont disponibles publiquement donnent à penser que, dans bien des cas, ces condamnations résultent de simulacres de procès, avec peu de preuves à l’appui.

« En dépit d’un vernis de légalité, beaucoup de ceux qui se retrouvent en prison au Xinjiang sont des gens ordinaires qui ont été condamnés parce qu’ils vivent leur vie et pratiquent leur religion », déclare Maya Wang, chercheuse principale spécialiste de la Chine à HRW, dans le rapport intitulé « China: Baseless Imprisonments Surge in Xinjiang ».

Beijing restreint sévèrement les droits de l’homme des Ouïgours et d’autres groupes minoritaires principalement musulmans. Un traitement des Ouïgours que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a qualifié de génocide.

La RPC a ainsi interné plus d’un million de Ouïgours et de membres d’autres minorités musulmanes depuis 2017, et a recours à la surveillance de masse, au travail forcé et à la stérilisation de masse de femmes issues de minorités, affirment des groupes de défense des droits.

Un véhicule blindé de transport de troupes stationné dans un lieu boisé (© Greg Baker/AFP/Getty Images)
Ce véhicule de la police paramilitaire est stationné à Artux, dans la région du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), le 2 juin 2019. (© Greg Baker/AFP/Getty Images)

Si l’internement de Ouïgours dans des camps dits d’« éducation politique » suscite l’indignation, c’est sur le pic des poursuites officielles que porte le rapport de HRW. Les tribunaux du Xinjiang ont condamné 133 198 personnes à la prison en 2018, contre 99 326 en 2017, soit une augmentation de 34 % en un an seulement.

Selon le New York Times*, le taux d’incarcération au Xinjiang est plus de cinq fois supérieur à celui d’autres régions de la Chine.

Les « poursuites sans fondement » s’inscrivent dans le cadre de la « campagne de répression du terrorisme violent » qu’a lancée la RPC fin 2016. HRW affirme que cette prétendue campagne antiterroriste cible en réalité les idées religieuses ou politiques non conformes à la doctrine du Parti communiste chinois et qu’elle présente l’islam turc comme un « virus idéologique ».

Gene Bunin, fondateur d’une base de données qui recense les victimes au Xinjiang, affirme que les Ouïgours et d’autres minorités écopent de longues peines de prison sans verdict public, voire sans procès.

Le rapport indique que les Ouïgours et les Kazakhs de souche sont condamnés sur la base de lois imprécises, par exemple pour « avoir cherché des querelles et provoqué des troubles » ou pour avoir écouté des contenus « extrémistes ».

Voici des exemples de condamnations injustes dont le rapport de HRW fait état :

  • 2 ans de prison pour avoir enseigné le Coran via WeChat.
  • 5 ans de prison pour avoir aidé des Ouïgours à envoyer de l’argent à des proches à l’étranger.
  • 10 ans de prison pour avoir expliqué ce qui est permis et ce qui est interdit par la loi islamique.

« Les autorités font pression sur la police, les [procureurs] et les tribunaux pour les amener à infliger sans tarder de lourdes peines, ce qui débouche sur des procès sommaires, le traitement d’un grand nombre d’affaires en peu de temps et la suspension des garanties procédurales fondamentales prévues par le droit chinois », indique HRW dans son rapport.

 

*en anglais