Les inspecteurs de police ont les yeux rivés sur des écrans. Ils surveillent une pièce où une horreur est sur le point de se produire. Dans un village, un herboriste, soupçonné d’empoisonner des enfants non désirés, donne les dernières instructions à un père tout en s’apprêtant à administrer une dose fatale de poison à un petit enfant. Dès que l’homme affiche clairement son intention, les policiers surgissent et l’interpellent, lui et son assistant. L’enfant, en fait, n’était qu’une poupée à l’allure convaincante et le prétendu père, un homme qui consacre sa vie à démasquer les criminels.
La scène semble peut-être sortie d’un film d’Hollywood, mais il n’en est rien. Les policiers et les méchants sont vraiment des forces de l’ordre et des malfaiteurs, et l’homme mystérieux qui a dévoilé les manigances est le journaliste d’investigation ghanéen Anas Aremeyaw Anas. Il travaille sans jamais révéler son identité.
Les journalistes assument un rôle important dans la société civile en dénonçant les actes répréhensibles et la corruption. La plupart d’entre eux ne ménagent pas leurs efforts quand ils partent en quête d’informations et de reportages. Mais Anas est l’exemple le plus flagrant de journalistes qui jouent les « James Bond », pour reprendre l’expression d’un détracteur. Anas a recours à des caméras cachées et à des déguisements pour mettre au jour la corruption et la criminalité à travers l’Afrique. Au cours de ses reportages pour CCN, la BBC et Al-Jazeera, Anas a infiltré un réseau de trafic sexuel en se faisant embaucher comme barman dans une maison close. Il s’est fait passer pour un patient dans un hôpital psychiatrique pour révéler les abus et la négligence. Et pour attraper des trafiquants de cacao, il s’est déguisé en rocher.
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https://twitter.com/thexaurus/status/726432937902624770
Anas Aremeyaw .. Œil google le fixe.rad. https://youtu.be/LRTTPs-AujA
Certains journalistes aux méthodes plus traditionnelles déplorent les supercheries d’Anas et ses liens étroits avec les forces de répression. « À mon avis, il n’y a aucun mal à faire une bonne enquête, à recueillir des pièces à conviction et, plus tard, à travailler avec les agences d’application de la loi pour veiller à ce que les méchants se retrouvent derrière les barreaux », a expliqué Anas dans un entretien avec Vice*, un site d’infos en ligne.
Sa devise « name, shame and jail » (donner des noms, faire honte, mettre en prison) reflète son objectif contre les malfaiteurs. Pour se protéger des criminels qu’il débusque et garder l’anonymat, Anas porte toujours un masque dans ses apparitions publiques.
Si la devise et l’identité secrète ont l’air d’appartenir à un super-héros de BD, les résultats d’Anas sont tout à fait réels. Ses enquêtes sur la traite des personnes ont mené à de nombreuses condamnations et lui ont valu d’être nommé parmi les « héros » du Rapport 2008 sur la traite des personnes du département d’État.
Dans son discours devant le parlement du Ghana, en 2009, le président Obama a fait l’éloge de l’esprit démocratique du pays : « Nous retrouvons cet esprit chez des journalistes courageux tel Anas Aremeyaw Anas, qui a mis sa vie en danger pour révéler la vérité. »
Pour sa part, Anas considère l’Afrique « un continent en transition », comme il l’a souligné à Vice. « Et en ce moment, aux grands maux les grands remèdes. »
*en anglais