Témoignages d’Ukraine : Stanislav

Stanislav sur le tarmac, près d’un avion (© NurPhoto/Getty Images)
Stanislav, journaliste ukrainien, à l’aéroport de Boryspil, près de Kyiv, en décembre 2019. (© NurPhoto/Getty Images)

Cet article fait partie d’une série portant sur les répercussions de l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine. Propos recueillis avant la nouvelle invasion militaire russe de l’Ukraine le 24 février.

Stanislav se souvient du jour où l’armée russe a envahi la région du Donbass en Ukraine en 2014 et a pris le contrôle de la ville de Donetsk. Il avait 24 ans à l’époque.

Il avait toujours vécu à Donetsk ou dans la ville voisine de Makiivka, dans l’est de l’Ukraine. Après avoir obtenu un diplôme de philosophie et d’études religieuses à l’université de Donetsk, il prévoyait de poursuivre ses supérieures.

Avant 2014, il considérait Donetsk comme l’une des grandes villes d’Europe. La ville était fière de sa diversité religieuse, où se côtoyaient bouddhistes, orthodoxes, catholiques et protestants.

Mais après l’invasion de 2014, sa vie a sombré dans le surréalisme, raconte-t-il. La ville a été privée d’eau potable pendant une semaine. Alors, dans sa famille, ils remplissaient des seaux de neige pour la faire fondre. Et quand l’été est venu, le bruit des tirs de mortiers, d’obus et de chars était constant.

Il est resté dans le territoire contrôlé par l’armée russe parce que l’idée d’abandonner sa mère et ses deux grands-mères lui était intolérable.

Arrêté en 2017 pour ses reportages sur les exactions commises par la Russie

En 2015, Stanislav a commencé à travailler comme journaliste, sous un pseudonyme par peur des représailles des forces soutenues par la Russie qui dirigeaient la ville de Donetsk. Il a produit une cinquantaine de reportages avant d’être arrêté, en 2017.

La police locale l’a interpellé et a exigé qu’il présente une pièce d’identité. Quelques minutes plus tard, des individus en civil lui ont passé les menottes et mis un sac sur la tête, l’ont jeté dans une voiture et l’ont conduit au ministère de la Sécurité d’État. C’est alors que les tortures ont commencé.

« Ils ont fixé les fils électriques sur moi. Ils ont allumé le courant. Et ils ont exigé que je signe une confession disant que je coopérais avec le Service du renseignement extérieur de l’Ukraine, disant que j’étais un espion, pas seulement un journaliste », dit-il.

Infographie contenant une photo de Stanislav et deux citations de lui sur l’Ukraine (Département d’État/M. Gregory)
(Département d’État/M. Gregory)

Il attribue son arrestation au fait qu’il était journaliste et qu’il couvrait les agissements du gouvernement russe.

Après avoir enduré une heure de torture, Stanislav a signé les documents exigés de lui. Il a été menacé de viol et jeté dans un sous-sol, où il a été détenu pendant plus d’un mois. Ensuite, il a été transféré dans un autre sous-sol, vestige du système d’abris anti-bombes de l’ère soviétique qui sert aujourd’hui à torturer les prisonniers, explique-t-il.

Stanislav estime que ce sont des crimes de guerre et qu’ils continuent.

Il parle de ce qui lui est arrivé dans le but non pas de choquer, mais d’informer, affirme-t-il.

« Il y a des sous-sols, il y a des salles de torture, il y a l’humiliation de la dignité humaine et le rabaissement de toutes les valeurs dont le monde occidental est fier », souligne-t-il. « Tout ça a lieu aujourd’hui, en Ukraine à la frontière avec la Russie. »

Ce qui est arrivé à Stanislav s’est produit avant la nouvelle invasion brutale de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Ces derniers jours, l’armée russe a bombardé des écoles, des hôpitaux, des maisons et même une zone proche d’un mémorial de l’Holocauste, ce qui a forcé des centaines de milliers de personnes à fuir pour des régions plus sûres.

Retrouvez le récit de Stanislav dans cette courte vidéo et celui d’autres Ukrainiens, comme Nataliya et Andriana.