Un groupe juif américain apporte son aide aux survivants du génocide rwandais

Liliane Pari Umuhoza a grandi à l’Agahozo-Shalom Youth Village*, une communauté bucolique à une heure de route seulement de Kigali, la capitale du Rwanda. Dans ce village établi pour les jeunes, elle a appris un peu d’hébreu, comme tikun halev qui signifie panser les plaies du cœur, et tikun olam, panser les plaies du monde.

Liliane fait partie des 1 245 jeunes Rwandais qui ont trouvé un nouveau foyer dans ce village après avoir perdu leurs parents et des proches lors du génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994. Là, des enfants d’un pays déchiré par le génocide sont venus vivre, étudier et retrouver une famille.

On estime à un million le nombre de personnes massacrées en 1994 par des milices bénéficiant de l’appui du gouvernement. Soixante-dix pour cent de la population tutsie a été éliminée. Le génocide a fait quelque 95 000 orphelins. Liliane, très jeune à l’époque, a perdu beaucoup de membres de sa famille.

Au village Agahozo-Shalom, confie-t-elle, « on nous guérit d’abord le cœur pour [qu’on puisse] ensuite aller guérir le monde. J’ai le sentiment que c’est ce qui m’est arrivé dans la vie. »

Une femme debout à côté de deux élèves en train d’étudier à une table (© Marvi Lacar/Getty Images)
Des jeunes qui ont fini leurs études universitaires, pour la plupart des jeunes juifs américains, font des stages à l’Agahozo-Shalom Youth Village, où ils deviennent « les cousins » dans les unités familiales. (© Marvi Lacar/Getty Images)

Plus qu’une école et un orphelinat, ce village est une communauté de survivants. Sa fondatrice, l’avocate juive américaine Anne Heyman depuis décédée, l’a conçu sur le modèle des villages de la jeunesse en Israël, construits au lendemain de la Shoah pour les orphelins.

« On considère que c’est un devoir de notre religion juive d’aider ceux qui ont souffert de traumatismes semblables au nôtre », explique Shiri Sandler, la directrice générale aux États-Unis de ce village rwandais. « Nous avons connu la Shoah, et c’est notre devoir d’aider ceux qui ont survécu au génocide. »

Liliane était adolescente quand elle est arrivée à Agahozo-Shalom en 2008, l’année où le village a ouvert ses portes* à la première promotion d’élèves. Elle a été logée dans une maison avec 16 filles qui avaient souffert du même traumatisme qu’elle. Les filles se considéraient comme des sœurs, et les garçons étaient leurs frères. Chaque maison du village était placée sous la direction d’une « maman », souvent une Rwandaise dont les enfants avaient péri dans le massacre.

Deux élèves travaillant à des ordinateurs (© Marvi Lacar/Getty Images)
Deux élèves suivent un cours d’informatique à l’Agahozo-Shalom Youth Village. Les cours de formation techniques et professionnelle ont lieu tous les vendredis. (© Marvi Lacar/Getty Images)

« Le modèle familial (…) permet aux élèves de bénéficier des facteurs de protection qui peuvent prévenir le trouble de stress post-traumatique, ou le rendre moins grave », souligne l’Américaine Hannah Greenwald qui travaille dans le cadre du programme des soins de santé au village.

L’année 1994 a beau être de plus en plus lointaine, « le traumatisme du génocide rwandais est encore bien présent dans la vie de nos élèves », note Shiri Sandler. Au cours des dernières années, le village a accueilli une partie des 20 000 enfants nés de viols pendant le génocide et de ceux qui ont été élevés par des parents eux-mêmes traumatisés par le génocide.

Des jeunes gens labourant un champ (© Marvi Lacar/Getty Images)
Des élèves labourent le champ qui fait partie du village et qui fournit 60 % de l’alimentation de ses habitants. Anne Heyman voulait que la communauté soit autosuffisante. (© Marvi Lacar/Getty Images)

Pour Liliane, aider les enfants à se remettre de l’expérience du génocide dans son pays est un impératif national. Elle a pansé ses plaies en apprenant  à raconter ce qu’elle a vécu. Un récit qu’elle partage dans des universités à travers les États-Unis. Dès qu’elle aura obtenu son diplôme du Juniata College, en Pennsylvanie, Liliane a l’intention de rentrer au pays pour organiser des ateliers sur la guérison pour les femmes violées lors du génocide.

« On doit encourager les survivants à raconter leur vécu, souligne-t-elle. C’est une leçon éternelle pour notre pays et pour le monde. »

 

*en anglais