Dans ses entretiens avec les médias, le « poète-lauréat » des États-Unis Juan Felipe Herrera a souvent parlé d’une enseignante qui a eu une influence déterminante sur sa carrière de poète. Mais il n’avait jamais eu la possibilité de la remercier d’avoir influencé sa vie à ce point.

Photo en noir et blanc de Juan Felipe Herrera quand il était enfant (Crédit photo : Juan Felipe Herrera)
Juan Felipe Herrera, élève à l’école Central Elementary d’Escondido, en Californie. (Photo offerte)

Son histoire a maintenant un nouveau dénouement. Quelques minutes avant qu’il ne livre ses réflexions à  ShareAmerica, son enseignante de CE2, Lelya Sampson, qui a maintenant 94 ans, l’a appelé. « Cela fait des dizaines d’années que je la cherchais », confie le poète. Fils d’un travailleur agricole immigré originaire du Mexique, Juan Felipe Herrera ne disait pas grand-chose en anglais lorsqu’il était enfant. À l’école, en Californie, dans les années 50, il n’ouvrait pratiquement pas la bouche. Jusqu’au jour où Mme Sampson lui demande de chanter une chanson en anglais, seul devant la classe. L’enseignante lui dit alors qu’il a une voix magnifique. Un compliment qui sera pour lui une source d’inspiration. Il a compris que son institutrice ne parlait pas seulement de ses talents de chanteur. « Elle m’a montré la voie à suivre, celle d’un écrivain et d’un artiste », affirme-t-il.

Un militant en faveur des immigrants, et de l’humanité en général

Juan Felipe Herrera s’éveille à la politique à l’Université de Californie à Los Angeles, qu’il fréquente grâce à un programme destiné aux étudiants à faible revenu et issus de groupes sous-représentés. Là, dans le sillage des mouvements de défense des droits civils des années 1960 qui voit les communautés d’immigrants revendiquer leur appartenance culturelle, il s’engage dans la lutte pour les droits des immigrants. Beaucoup de ses poèmes et histoires s’inspirent de sa culture mexicaine-américaine. « Pour moi, dit Juan Felipe Herrera, l’adjectif ‘politique’ recouvre la peinture de tout le paysage humain ; le parcours de la vie, la langue, la façon dont on voit le monde. C’est également parler des barrières qui persistent. » « Si vous regardez la poésie de Juan, commente Don Share, rédacteur de Poetry Magazine, vous y trouverez ce que vous entendez tous les jours dans la majeure partie du pays, c’est-à-dire une combinaison de l’anglais et d’une autre langue — dans ce cas particulier, l’espagnol ». Don Share cite prend l’exemple du poème Let Us Gather in a Flourishing Way*, qui oscille librement entre l’espagnol et l’anglais. « Il combine des conversations qui pourraient être celles d’ouvriers agricoles et en fait de la poésie. Il permet de prendre acte de tous les différents types de langues et de cultures, réunis pour former une seule nation. »   (Audio mis gracieusement à disposition par la Poetry Foundation. Le poème est extrait de Half of the World in Light: New and Selected Poems de Juan Felipe Herrera © 2008 Juan Felipe Herrera. Réimpression avec la  permission de University of Arizona Press)