Une expérience culturelle. . . et multiculturelle

Collage de trois photos de Cynthia Edul et de Natasha Tiniacos ensemble (D.A. Peterson)
Cynthia Edul (à gauche), dramaturge et romancière argentine, et Natasha Tiniacos, poète vénézuélienne. (D.A. Peterson)

Elle venait d’arriver dans l’Iowa pour passer trois mois en compagnie d’autres auteurs venus du monde entier, tous invités à participer à un programme de création littéraire, l’International Writing Program*(IWP).

Réunis dans la grande salle commune de leur hôtel, ils passaient un moment de détente ensemble. L’écrivain grec chantait, le poète afghan dansait avec le dramaturge israélien. La romancière syrienne bavardait avec le poète irakien et l’écrivaine sud-coréenne, tandis que d’autres hommes et femmes de lettres se lisaient à tour de rôle des poèmes dans leur langue maternelle ou se montraient des photos de leur famille.

« C’est un moment que je chéris », confie Natasha Tiniacos au moment où son séjour tirait à sa fin. La poète vénézuélienne, l’une des 29 participantes cette année à l’IPW (23 août-11 novembre 2014), revoit clairement la scène. « J’ai tout de suite vu qu’il n’y avait pas de conflits dans ma version du monde. » Sa poésie reflète la beauté qu’elle ressent dans ces moments fugaces.

Maintenant dans sa 47e année, l’IWP attire des gens de lettre qui viennent se ressourcer à l’Université de l’Iowa, entre écrivains issus de cultures diverses. Le programme fait peau neuve tous les ans. « C’est un peu comme The Real World à la télévision bien avant l’époque de MTV », plaisante Chris Merrill, son directeur, qui pour être poète n’en dédaigne pas moins les émissions grand public.

Des personnes à l'extérieur d'une maison (© AP Images)
Célèbre dans le monde entier, l’Université de l’Iowa accueille chaque année des auteurs, certains débutants et d’autres déjà renommés, qui viennent pratiquer leur art dans ce lieu serein. (© AP Images)

Les participants, qui sont logés sur place, sont âgés de 26 à 60 ans, et tous ont déjà publié au moins une œuvre dans leur pays. Le temps s’arrête pendant trois mois : libres à eux de le passer à faire des recherches, à écrire, à réfléchir, à explorer. « Accomplir les gestes quotidiens de l’existence avec des gens venus d’un peu partout au monde est une expérience très intéressante », estime Franca Treur, l’auteur d’un best-seller aux Pays-Bas (Dorsvloer vol confetti) qui a récemment fait l’objet d’une adaptation à l’écran.

« Étant romancière, je fais attention aux détails. Quand on mange ensemble. Qu’on fait sa lessive. Même le fait de voir quelqu’un se servir d’une cafetière pour la première fois. C’était une expérience à la fois locale et mondiale, dans une petite ville du Midwest, où on peut se faire une idée de la vie américaine, mais en compagnie de gens venus de partout. » (La vie en commun leur a également donné un ennemi commun : le bruit, à cause des travaux en cours sur le campus !)

Gros-plan de Franca Treur (D.A. Peterson)
Franca Treur (D.A. Peterson)

Jusque tard dans la nuit, romanciers et poètes parlaient livres, musique et politique. Ils partageaient des récits personnels, marqués par le racisme ou la dépression. Certains ne s’étaient jamais liés d’amitié avec quelqu’un du sexe opposé ou n’avaient jamais rencontré de personnes ouvertement homosexuelles.

Les participants qui parlaient la même langue maternelle n’ont pas tardé à se connaître et à s’apprécier. Mais au fil des semaines, l’anglais est devenu la langue de la camaraderie, celle des idylles aussi parfois.

Pour Franca Treur, Natasha Tiniacos et les autres, les moments vécus dans l’Iowa seront longtemps matière à réflexion. Les caractéristiques d’une petite ville américaine du Midwest, et tout son petit monde, vivront un jour dans des poèmes et des romans encore en maturation.

« Nous avons effacé les frontières entre nos cultures. Je ne serai pas la même personne qu’aujourd’hui quand je rentrerai chez moi », commente Natasha Tiniacos.

*site en anglais